Délire spirite, écriture automatique. Par Joseph Lévy-Valensi et Henri Ey. 1931.

LEVYVALENSISPIRITISME0001Joseph Lévy-Valensi et Henri Ey. Délire spirite, écriture automatique. Article paru dans les « Annales médico-psychologiques », (Paris), XIIIe série, 89e année, tome deuxième, 1931, pp. 126-140.

Joseph Lévy-Valensi (1879-1943). Médecin, neuropsychiatre, Professeur à la Faculté de médecine de Paris, historien de la médecine. Interne, entre autres, de Gilbert Ballet puis chez Fulgence Raymond, il fait connaissance chez celui-ci du jeune agrégé Henri Claude. Ilfut aussi chef de clinique de Jules Déjerine à la Salpêtrière. Reçu au concours de l’agrégation en 1929, il aura été pendant treize ans agrégé dans le service du professeur Henri Claude à Sainte-Anne (Paris). En octobre 1939, Lévy-Valensi devient titulaire de la chaire d’Histoire de la Médecine à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris. Quelques publications :
— Spiritisme et folie. Article paru dans la revue «L’Encéphale. Journal mensuel de neurologie et de psychiatrie», (Paris), cinquième année, premier semestre, 1910, pp. 496-716. [en ligne sur notre site]
— Les vertiges. Avec 42 figures. Paris, Nobert Maloine, 1926. 1 vol.
— Diagnostic neurologique. Avec 395 figures. Paris, J.-B. Baillière et fils, 1925. 1 vol. – Deuxième édition. Paris, J.-B. Baillière et fils, 1932. 1 vol.
— L’automatisme mental dans les délires systématisés chroniques d’influence et hallucinatoires. Le syndrome de dépossession. Rapport de psychiatrie présenté au Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française, XXXI-Paris, Masson et Cie, 1927. 1 vol.
— Délire archaïque (astrologie, envoûtement… magnétisme). iArticle paru dans les « Annales médico-psychologique », (Paris), XIV série, 92e année, tome 2, 1934, pp. 229-232. [en ligne sur notre site]
— La médecine et les médecins français au XVII° siècle. Avec 51 planches et 86 figures dans le texte. Paris, J.-B. Baillière, 1933. 1 vol. — Deuxième édition avec 123 figures dans le texte. Paris, J.-B. Baillière et fils, 1939. 1 vol. — Troisième édition. Avec figures dans le texte. Paris, J.-B. Baillière et fils, 1948. 1 vol.

Henri Ey (1900-1977). Nous réservons une note spéciale sur cet auteur bien connu de tous.

[p. 126]

DÉLIRE SPIRITE. ÉCRITURE AUTOMATIQUE.

par

MM. LÉVY-VALENSI et Henri EY

Nous rapportons ici l’observation (1) très riche, d’une malade dont le pittoresque n’est cependant pas la raison essentielle de cette publication. Nous ne voulons pas fournir à son propos une étude théorique et critique de la question, toujours ouverte, des Psychoses spirites, nous la ferons suivre simplement de quelques commentaires destinés à montrer toute la complexité de pareils cas de délires hallucinatoires.   .

Mme M., 53 ans, est l’ainée d’une famille de huit enfants, elle est née à Paris. On ne relève dans ses antécédents familiaux rien de particulier.

Ses parents étaient des liquoristes assez aisés.

Son enfance a été normale, son développement régulier. Elle a obtenu son certificat d’études et a fréquenté l’école encore deux ans sans se présenter au brevet élémentaire. Sortie de l’école, elle resta chez ses parents jusqu’à son mariage à l’âge de 23 ans.

Cinq ans après, elle se séparait de son mari pour « incompatibilité d’humeur ». Elle déclare maintenant qu’il avait « une force d’âme effrayante ».

En 1918, 13 ans après avoir vécu avec un amant, elle reprend la vie commune avec son mari avec qui elle vit encore.

En 1923, elle perdit son père, sa mère, un de ses frères et plusieurs membres de sa famille. Son amant également mourut à cette époque. Elle avait alors 45 ans et était en cours de ménopause. Sa santé était précaire. Elle consulta à ce moment-là longtemps « pour le cœur » dans un hôpital où elle fut longuement soignée. Elle avait des pertes de sang abondantes et son état physique déclina sérieusement.

C’est à cette époque qu’elle s’adonna à ses éludes médiumniques et qu’elle devint ainsi d’abord médium écrivain puis médium auditif.

Depuis cette époque elle ne s’occupe guère que d’écrire des livres de vulgarisation spirite et des nouvelles. Elle a fait imprimer à ses [p. 127] rais des brochures et a fréquenté, sans grand succès d’ailleurs, les milieux spirites officiels.

Son temps se passe entièrement en communications avec les esprits.

Elle les capte surtout le soir, à la tombée du jour, au moyen de verres de lampe. Elle converse avec eux, et par eux est au courant de tout ce qui se passe ou plutôt se trame dans le monde.

Bien entendu, elle a fait des démarches nombreuses et écrit des lettres délirantes aux autorités. Elle est actuellement surveillée par la Préfecture, mais jusqu’ici, étant donné la bénignité de son caractère, on n’a pas eu recours à l’internement.

Elle est venue dans le service « pour avertir le Professeur Claude et tous les savants du combat qu’il fallait mener contre les forces du mal, en particulier les esprits et les âmes du Sacre Austro-Allemand qui envahissent la France ». Elle se plaint d’ailleurs d’être dévorée par les esprits et d’endurer des blessures terribles et douloureuses dans son cerveau et tout son corps.

Le délire et le syndrome hallucinatoire

Notons tout de suite que le délire s’exprime d’une façon directe par les déclarations spontanées de la malade : il constitue à ce titre un ensemble de croyances délirantes que nous allons analyser — et d’une façon indirecte (et en quelque sorte impersonnelle) par l’ensemble des communications qui grâce à l’écriture automatique lui sont transmises par les esprits. Ces « communications » forment la matière d’un petit opuscule « Révélations » qui a une centaine de pages et que la malade a fait imprimer à ses frais.

Les communications apparaissent à ses yeux comme entièrement justifiées et valables du fait même de ses croyances délirantes. « Il y a des esprits et il est tout naturel qu’on entre en communication avec eux. C’est d’ailleurs très facile ». C’est pour cette raison que, aliment et justification du délire, nous les décrirons dans le bloc même des idées délirantes.

Pour mettre un peu d’ordre dans cet ensemble d’idées absurdes, nous allons successivement envisager : les idées délirantes qui concernent le monde des esprits, leur action sur les vivants, leurs interventions dans la politique et les événements mondiaux, la conception métaphysique qui s’y rattache. Ensuite nous examinerons l’aspect hallucinatoire du délire (syndromes d’Influence, de possession, syndrome dit d’automatisme mental, hallucinations de toutes sortes).

1° LE MONDE DES ESPRITS

Voici un passage caractéristique tiré de sa plaquette « Médiumnité ».

L’âme. — « L’âme est un petit corps fluidique entouré d’éther, sa « force nerveuse est due à sa force d’anneaux liés ensemble par de [p. 128] minces fils qui sont simplement de petits muscles liés comme de petits flls.
« Le nerf du centre est un fil souple qui est entouré de ses anneaux. »

L’esprit. — « L’esprit est un petit diptère ; il est haut sur pattes, mince, le corps très plat, il a une petite trompe : mais nous avons différentes races d’esprit.
« L’esprit français a 8 pattes, 1 dard à gauche, 1 trompe, et de grosses griffes au bout de chaque patte.
« L’esprit allemand à 8 pattes, il est très gras, il a de grosses pattes et à droite, une patte moignon armée de deux fortes griffes, ainsi que de grosses griffes au bout de chaque patte.
« L’esprit autrichien à 8 pattes avec griffes et à droite une patte couteau qui coupe terriblement, une patte coupante plus petite à gauche et une trompe.
« L’esprit italien a un dard à droite et est constitué comme le français.
« L’esprit du fakir est un esprit suggestionneur, il endort les esprits pour les voler, ensuite avec son âme, il a toujours avec lui ses trois esprits fakirs, ils ont de longs dards, ils sont terriblement méchants, ils sont longs et le double de l’esprit allemand. »

Voici « tout simplement » la façon dont l’âme est faite et porte ses esprits.

« Les fils que l’on voit en dessous des âmes représentent les nappes de gaz, qui sont à une très grande hauteur dans le ciel, on voit dans ces nappes de petits traits, ce sont des âmes qui sont couchées à plat. On les trouve de place en place, ces malheureuses ont perdu leurs esprits, elles vivent là avec leurs peines, leurs esprits se sont échappés de leurs âmes, et tel un petit ballon dont le fil s’est cassé, lesté de son esprit, elle n’a pu se refermer et redescendre. »

« Je donne ici ce détail, pour que les âmes qui me lisent en vous, puissent aller les sauver en leur donnant un esprit qui les aidera à redescendre. »

Les perles de fluide. — « Pour qu’une âme se garde, et ne se perde plus dans le ciel, il faut qu’elle se fasse faire par ses esprits, deux perles de fluide épais, de la grosseur d’une double tête d’épingle dans le fond de l’âme ; puis elle fermera bien le bout de son âme sur la première perle, ce fluide en séchant, deviendra très dur, et lui assurera de ne jamais plus se perdre dans le ciel, elle a de quoi se tenir, se rouler pour mieux dire, et même sans esprit, elle peut vivre sur terre et circuler partout, sans crainte de sc perdre jamais. »

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2° ACTION DIRECTE ET NÉFASTE DES ESPRITS SUR LES VIVANTS

Voici un passage extrait d’une note sur « Le pouvoir des âmes et des esprits sur l’homme » : [p. 129]

« Les entités mauvais causent dans toutes les parties du corps de névralgies intercostales en se frottant sur les muscles ; des douleurs nerveuses sur le cœur en se frottant dessus.

« Sur les êtres sensibles ils agissent avec plus de force, ils occasionnent des troubles cérébraux, perte de mémoire, névralgies, suggestionnent à des êtres nerveux des idées les poussant à l’hystérie, à la persécution, à l’envoûtement, à l’obsession, à la fatigue mentale, à la neurasthénie, tous ces troubles sont huit Iots sur dix dus à des âmes, soit qu’elles soient mauvaises ou hystériques, ou alors âmes défuntes d’une famille qui persécutent les leurs par chagrin.

« L’âme pernicieuse pousse l’homme et la femme à des idées d’hystérie, elle prend le cerveau, elle y fait sa place, elle dit sans arrêt ce qu’elle veut, elle n’aime que le plaisir des sens des êtres humains et donne l’idée fixe du plaisir qui énerve l’homme et la femme à un point, qu’un acte en appelle un autre, c’est l’hystérie mentale due à la suggestion d’une âme hystérique.

« Le ravage causé dans ma cervelle est dû à ce que j’ai fait paraître « Médiumnité », cet article leur causant un préjudice énorme (question politique et autres… sur lesquels je m’expliquerai. En tout cas j’ai la cervelle attaquée, mangée pour mieux dire par les Allemands, les Autrichiens et les Hongrois, ces races d’âmes vivent par millions dans les Français, et d’après leur dire je suis condamné pour avoir fait paraître un article donnant l’idée à l’homme de chercher à entendre son âme. »

3° L’1NFLUENCE DES ESPRlTS SUR LES ÉVÉNEMENTS MONDIAUX

Ceci fait la matière la plus importante du délire et le sujet de toutes les communications des esprits avec lesquels la malade est en perpétuelle communication. Toutes ces communications constituent « Les secrets du Sacre des Empereurs, des Sacres allemand et autrichien » que Mme M…. a portés à la connaissance du Président de la Rèpublique.

« Médium, j’ai pris et je donne ici les communications que j’ai, reçues du monde des âmes qui viennent à moi pour les aider dans leurs peines.

« Les circonstances de la vie actuelle font, que demain naîtra une force inconnue nouvelle ; force, qui est celle de l’homme, sa fidèle compagne, le double de lui-même, je veux dire son âme.

« Je confie ces communications des âmes à un homme politique de mon pays, pour qu’il juge, et qu’il approfondisse les dessous d’un monde inconnu, monde d’âmes cosmopolites, qui vit dans notre France et que nous avons besoin de connaître. » [p. 130]

« Vos pensées sont à vous pour bien vous aider ;
« Nous sommes tout de vous, et sommes ignorées
« Sachez bien nous trouver où nous sommes cachées ;
« Nous serions si heureuses de nous sentir aimées,

*
*    *

« Je suis une simple femme de France, qui a le don d’être médiurn depuis 4 ans, et je crois faire mon devoir, en venant vous révéler aujourd’hui tout ce que j’ai appris, surtout depuis un an que le monde des âmes a voulu parler.

« Ces âmes étrangères des Sociétés, des Sacres perdent notre race d’âmes de France, depuis près de deux siècles, elles la perdent par jalousie, par haine, oui, par haine de toujours.

« Je ne donne ici que quelques communications, quand des milliers pourront être prises, le jour où les appareils captant la voix de l’âme, seront enfin au point.

« Vers l’an 1741, les âmes de Prusse, d’Allemagne, d’Autriche-Hongrie, fondèrent des Sociétés d’âmes, lesquelles plus tard se réunirent en vue de former les Sociétés du Sacre autrichien et allemand, les deux n’en formant qu’une dans leur organisation secrète.

« Ces Sociétés prenaient de force dans les corps, toutes les âmes et esprits qui étaient à leur convenance et elles recherchaient surtout les âmes instruites.

« Nos âmes sont fakirisées d’esprits paresseux étrangers, tous voleurs de nos esprits français qui, eux, en exil, sont placés de tous les côtés pour produire l’intelligence des races étrangères.

« Je note que beaucoup de nos âmes et esprits français, échappés des Sociétés de Sacres, sont revenues, parlant l’allemand ou l’autrichien, après un long exil. L’évolution vous les fera entendre « conter leurs vies malheureuses et tout ce qu’ils ont souffert, par la Société des Sacres.

« Les âmes qui servent à ce trafic sont nées en Autriche ou ailleurs, toutes petites, elles sont amenées en France, pour être instruites dans nos institutions françaises, pour servir ensuite le sacre ; mals elles disent toutes si ou les questionne qu’elles sont de nationalité allemande ; l’idée leur a été donnée lorsqu’elles étaient jeunes, lorsqu’elles sont vraiment nées de la prostitution des races allemandes, autrichiennes, hongroises, etc… Ceci est la vérité.

«  Sur toute la ligne des Invalides jusqu’à Versailles, dans toutes les familles riches, il y a des forces allemandes. La ligne de Nantes, Rouen, ligne de Lyon jusqu’à Montereau-Moret, ligne de Corbeil, ligne d’Étampes, ligne de St-Germain a Neuilly et dans toutes les villes de France, dans les notabilités, il y a les corps des esprits et des âmes.

« À noter toutes les âmes et esprits de la bourgeoisie de Neuilly-­Plaisance, tous esprits allemands et âmes autrichiennes unis dans [p. 131] les têtes et corps depuis plus de 20 ans par le sacre allemand et tous nés de la prostitution allemande.

« Les âmes hommes Autrichiens se promènent dans Paris accompagné des vieilles Hongroises appartenant au Sacre, elles entrent dans le corps des femmes, des jeunes filles, enfants féminins et toutes se font un divertissement de voir nos âmes françaises souillées par les âmes autrichiennes et hongroises ; ceci se fait encore avec l’idée de perdre notre âme française. »

Les Monarques (secrets). — Le roi Léopold, roi des Belges, vit en âme au Congo belge, dans la province de Katanga, avec son grand favori, Edouard VII, ils font ensemble une œuvre grandiose… l’esclavage des âmes ; ils ont recherché avec leur suite toute une population d’âmes noires, il y a a Haos (nom à voir l’orthographe), des harems avec des sultanes, des eunuques ; toutes ces âmes ont été ramassées avec soin, ils passent là une vie charmante, vivant par l’idée de la pensée, ils se sentent (homme vivant).

« Les hommes (âmes) qui les portent dans leurs déplacements dans le centre où ils séjournent sont plus heureux par leurs extravagances suggestionnées généralement et journellement : ils font les Pachas, s’amusant joyeusement depuis leur désincarnation.

« Il peut y avoir peut-être un million d’âmes à leur service et n’y pénètre pas qui veut.

« Le roi d’Angleterre avait aussi un petit Astral en Irlande, mais il n’y séjournait pas ; il habite le Congo Belge.

« L’ex-reine de Roumanie habite l’été à Royat avec toute sa suite d’âmes, dans une propriété d’émailleurs faïenciers.

« L’ex-roi de Portugal habite l’Angleterre en âme du côté de Plookot (nom d’après la prononciation). Son fils (Manuel Sacre) voyage en âme, incognito avec toute sa suite. »

Nos députés au pouvoir. — J’insiste tout spécialement sur le rôle que les bons guides (Esprits supérieurs) jouent chez nos hommes politiques.

« Ils sont chargés d’une surveillance constante, suggestionnant telle ou telle idée, toujours pour servir les sacres, qui commandent de détourner celui-ci, de combattre une idée de M. X…, enfin de les détourner des honnêtes projets qu’ils ont dans l’idée, ce qui fait qu’au pouvoir nos hommes de France ne sont plus maîtres de leurs idées.

« Mais ils trouvent parfois devant eux des cerveaux forts qui ne prennent pas la suggestion ; ceci est dû à la forte constitution nerveuse de l’être ; eu tous cas ils n’ont pas toujours eu raison sur des idées préparées et qui ont passé.

«  Des histoires politiques ont eu des retentissements considérables, à tel point que l’on frôlait une guerre ; eh bien ! ce sont toujours ces âmes qui énervaient le moral des hommes, les excitaient à des paroles plus ou moins blessantes de façon à provoquer un cataclysme, qui est venu beaucoup plus tard que les sacres I’avaient désiré. [p. 132]

« Les incidents qui ont précédé la mort du Président Deschanel, la Conférence de La Haye sont le sujet de nombreuses communications des Esprits qui y ont joué le rôle le plus direct. »

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4° « MÉTAPHYSIQUE » DES ESPRITS

« La sauvagerie du monde de ces âmes vouées au crime, à la débauche, est pire que tout ce que l’on peut imaginer, rien de semblable dans la vie des hommes ne peut être égal.

« L’homme tout à sa vie matérielle, ne pouvait et ne devait jamais connaître ces infamies, sans des abus, qui furent faits, lors de la dissolution de l’astral, qui se trouvait au-dessus de la France. «

« L’astral des âmes, qui se tenait au-dessus de Noisy-le-Sec, ne contenait à l’idée du maître que des âmes françaises, anglaises et quelques âmes allemandes depuis la guerre.

« Au-dessus de tout ce monde d’âmes vivait le Maitre enfermé dans une force fluidique effrayante (telle que toutes les âmes de Paris pourront le certifier devant les appareils). Il vivait enfermé dans son fluide qui formait une énorme boule, et n’en est jamais sorti que le jour où il fut attaqué, par la force des âmes de Marie, du Sacre Autrichien (ceci se passa le 1er février 1926).

« De ce jour, il abandonna les âmes à elles-mêmes, pour leur inconduite à son égard et il n’y eut plus d’astral en France.

« L’âme de Dieu fut trompée dans le monde des âmes, comme il est impossible d’être trompé.

« L’évangile a donné à tous les hommes le moyen de croire à des choses imaginables ; mais l’évolution fera que les âmes donneront des renseignements qui contribueront à anéantir certaines vieilles choses écrites et enseignées encore de nos jours pour nous égarer dans des idées ridicules.

« Depuis la doctrine d’Allan Kardec, le grand spirite, tous les autres spirites furent fidèlement gardés, il n’y avait pas d’âme qui puisse se présenter plusieurs fois, sans être enlevée ; il était impossible aux âmes honnêtes de pouvoir faire connaître la vérité aux hommes.

« La Terre ne tourne pas : L’Astral se tenait sur Noisy-le-Sec, Le Bourget et le Raincy.

« Les âmes se tenaient toutes les unes à côté des autres ; elles formaient ou des nappes ou des cercles ; elles se tenaient ainsi de nuit comme de jour à la même place, balancées par la bise qui est très légère à une grande hauteur.

« Je dis ceci pour vous donner une idée qui est bien à moi ; beaucoup descendaient de jour comme de nuit et remontaient de même ; comment se fait-il que ces âmes retrouvaient toujours à la même place et sans faire plus de trajet, leurs âmes qui étaient restées à l’astral ?

« Pensez bien que les âmes ne bougeaient pas et que celles qui [p. 133] remontaient les trouvaient toujours à la même place ; la terre tournant, elles n’auraient jamais dû se retrouver, car tout aurait changé de place, Paris comme les âmes.

«  Le Dieu de Justice sera celui que vous serez tous demain, hommes de France, pour entendre et juger ce monde inconnu de presque tous, ce monde de nos âmes vivant après la mort, n’est pas absolument celui que l’on pense… C’est d’abord un monde qui n’a pas le ciel comme demeure, tel que cela a été dit, mais bien la terre, comme nous l’avons pour vivre, et pour y vivre la vie que je vais vous dévoiler. »

5° SYNDROME D’ACTION EXTÉRIEURE

Il représente l’ensemble des sentiments d’influence, de dépossession, d’agression personnelle et il s’exprime par les fausses perceptions de la malade dans tous les domaines sensoriels (Hallucinations auditives, cénesthésiques, psycho-motrices, psychiques, visuelles même).

  1. a) Hallucinations psycho-motrices graphiques : l’écriture automatique. — Dès qu’elle se met devant une feuille de papier sa main court et elle écrit. Ce sont les esprits qui guident sa main : « Il suffit de se dédoubler. » « J’arrive, dit-elle, à écrire très lisiblement et je prends les communications aussi vite qu’il est possible. » Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.
  2. b) Hallucinations auditives. — Elles sont surtout verbales : « J’entends, dit-elle, comme si vous me parlez… Ça se passe quelquefois derrière mot. » — « J’étais arrivée, écrit-elle, au bout de quelque temps à écrire très vite et j’eus la surprise d’entendre un jour, ma main s’arrêtant d’écrire, une voix qui dictait la fin de la phrase que j’écrivais. Je fus tellement saisie que je balbutiais, mais j’entends ! La voix qui me faisait travailler à cet instant même et qui était de ma famille me donna la certitude que je ne devais pas douter. En effet, j’entendais bien sa voix continuer la communication. C’est ainsi que je suis devenue médium auditif. » Elle écrit encore ailleurs : « Je suis depuis 4 ans médium auditif comme je vous l’ai dit précédemment. Je veux dire que j’entends la voix des âmes aussi facilement que vous pouvez me parler.» « Maintenant, dit-elle, ça crie même quand je n’écris pas. Au début il fallait être au poste d’écoute pour entendre. Quand je commençais à entendre, elles riaient de tout leur cœur. C’étaient des rires… C’est une voix très vive ».
  3. c) Hallucinations cénesthésiques. — Elle se plaint que les esprits lui grignotent le cerveau. « Ça fait très mal. J’ai des trous dans la cervelle. Ils tracent des sillons, ils ont fait des trous dans les vertèbres de la colonne vertébrale. La trachée est percée en bas. J’ai une poche avec de l’eau pourrie près de l’anus. Ils m’attaquent le ventre. Les hallucinations génitales sont nettes : « Je suis réveiIlée la nuit et j’ai la sensation nette d’un acte qui se passe, mais absolument [p. 134] comme s’il était réel en intimité. Cependant je ne ressens absolument rien. »
  4. d) Hallucinations visuelles. — On fait voir des visions, des scènes, des images, mais elle parle alors surtout du début de ses troubles, d’une période où elle paraît avoir présenté un léger état confusionnel.
  5. e) Hallucinations psychiques. Suggestions. Transmissions de pensées. — Pour nous conformer à la tradition, nous décrirons ici les propos hallucinatoires formulés « en pensée » transmis sous forme de Ces suggestions sont des ordres, des désirs. Elle devient « hystérique ». On lui donne des idées, par exemple, de se faire photographier la cervelle.

« L’âme, écrit-elle, aime. à taquiner et à énerver l’homme. Elle lui donnera par exemple le désir d’une promenade, si elle en a le désir elle donnera une idée sensuelle. L’effort fait sur les nerfs de certains sujets sensibles a une répercussion terrible sur le cerveau des êtres et cette répercussion est telle qu’elle peut pousser un être à tuer, à voler. L’idée est tellement forte, surtout lorsqu’elles s’y mettent à plusieurs, qu’il est impossible à un être de ne pas obéir à leurs ordres. »

D’ailleurs les communications qu’elle reçoit sont presque entièrement perçues comme des voix dans la tête.

Enfin l’esprit peut faire voir d’après son idée une image quelconque, un songe, une frayeur. Il peut ainsi voir un être vu «  il y a des années… »

  1. f) Éléments du syndrome dit d’Automatisme mental. — L’écho de la pensée, le commentaire des actes sont très nets : « C’est le petit Journal. Tout le temps elles me parlent, elles répondent, elles savent ce que je vais penser, elles le répètent. Elles s’amusent à « m’attraper. »

Il y a aussi chez notre malade une effraction continuelle et complète de sa personnalité et pour ainsi dire une dissolution de sa personnalité qui reste réduite aux seules velléités bonnes, saines. De tout le reste le Moi est dépossédè et, comme nous le verrons plus loin, en quelque sorte irresponsable. Les esprits la possèdent, lui parlent, la font agir et penser. Selon leurs nationalités, ils lui font du bien et du mal. Elle vit dans leur commerce continuel. Quand son mari arrive, ils gambadent et rient. Ils vont au-devant de lui et ne cessent pas de s’amuser. «  C’est même drôle, dit-elle en riant. C’est une comédie. »

Fond mental. Comportement

Les fonctions mentales élémentaires sont satisfaisantes. Elle calcule assez bien à condition que le problème soit facile. Elle est bien orientée. Sa mémoire ne présente ni lacunes ni fléchissements.

Mais dans l’ordre de son adaptation aux événements et aux situations, nous relevons une certaine passivité. Elle s’est laissée conduire [p. 135] par ses parents, par son amant, par son mari. Jamais elle ne parait avoir dirigé effectivement son existence. Dans l’ordre de ses croyances, nous notons un abaissement considérable du seuil de la critique. Elle admet ce qu’on lui dit, avec une exceptionnelle suggestibilité. Jamais elle ne cherche à justifier ses idées ou à produire des explications. Ses écrits mêmes, abondants, manquent souvent de correction. L’expression est fréquemment maladroite.

Tous ces traits nous paraissent indiquer chez elle une mentalité assez faible et inférieure.

— Un deuxième trait que nous devons signaler, c’est son activité autistique. Depuis des années, elle néglige son ménage pour s’adonner entièrement aux communications avec les esprits. Elle ne sort pas. Elle ne voit personne : elle vit très isolée et pour ainsi dire seule car son mari qui voyage n’est presque jamais avec elle.

— Elle ne sort que pour accomplir des démarches délirantes, pour s’occuper de faire imprimer ses « œuvres » ou se faire photographier la cervelle. Son costume est propre, mais désuet, avec un certain goût pour les ornements surannés (voilettes, corsages en dentelle, guipures).

— Quant à son ton affectif il est assez peu exalté. Elle est satisfaite, mais assez indifférente et à ses maux et à ses triomphes de médium. Elle est amène et tranquille. Elle parle assez peu. Elle ne nous a jamais montré, au cours de multiples entretiens, la moindre surexcitation. Elle dort bien la nuit. En un mot, rien ne permet de voir chez cette malade des troubles de l’humeur, surtout dans le sens d’une hyperexcitation.

Début et genèse du délire

D’après les déclarations de la malade, et il faut bien le dire, d’après les tendances doctrinales de chacun, on peut se représenter la genèse du délire de deux manières bien différentes.

On peut prendre argument de ce que la malade écrit dans sa plaquette « Médiumnité », « Comment je suis devenue Médium » : « Voilà ce qui fut fait sur moi. Le jour, c’était de la suggestion faite dans la tête. » « Elles se plaçaient dans le sillon inter­hémisphérique du cerveau pour faire une suggestion forte m’obligeant à prendre leurs idées, comme par exemple à prendre un objet. À force de faire ces suggestions constantes, elles arrivèrent à obtenir des résultats positifs : j’obéissais malgré moi et j’exécutais leur pensée. Par la suite elles me donnèrent l’idée de mes morts et cette idée devint tellement fixe en moi que je résolus de les chercher, etc. » Il semble, dès lors, que le spiritisme ne soit venu que vêtir une psychose préétablie.

Inversement, on peut faire remarquer que les déclarations de la malade sont à ce sujet suspectes, car ce petit opuscule a été [p. 136] écrit il y a un an avec toutes les convictions solides du délire actuel et qu’elle interprète plus qu’elle n’expose les motifs qui l’ont amenée au spiritisme. Mais, bien plus, ces propos se contredisent avec ce qu’elle a écrit par ailleurs où elle déclare « que la « mort de sa mère qui était sa grande amie, la plongea dans une grande détresse. Quelqu’un me dit que les morts pouvaient communiquer avec les vivants. Je lus alors les livres d’Alain Kardec. J’étudiais. Je relisais les passages intéressants. Je ne le disais à personne. Je me cachais ». C’est dans ces conditions que, le 2 décembre 1924, deux ans après la mort de ses parents, elle devint médium écrivain puis médium auditif. Dès lors, on peut concevoir que la croyance au spiritisme a été initiale, consolatrice et provocatrice du délire avec tout son cortège de phénomènes qui représentent au fond les applications pratiques coutumières et classiques de l’adhésion à ce que l’on pourrait appeler la métaphysique spirite.

Pour nous, dans ce cas particulier, il nous semble que l’on peut aussi envisager les choses d’un autre point de vue encore.

Nous retenons, dans les déclarations de notre malade, ce qu’elle nous dit de l’état initial et précurseur du délire. Elle venait de perdre sa mère et plusieurs parents. Elle était en état de déficit physique évident (ménopause, hémorragies abondantes). Elle avait des frayeurs. En particulier, « quand je retournais dans la maison ou ma mère était morte, j’avais des cauchemars, je voyais ma mère dans la cour. J’étais poussée à chercher ma mère. On me suggestionnait des rêves, des scènes de la vie passée où j’avais été mêlée ». C’est à ce moment qu’elle éprouvait des sentiments d’influence très violents. Tous ces symptômes, on les voit fréquemment réalisés dans ces épisodes ménopausiques avec obtusion, anxiété, cauchemars. Et nous croyons que c’est à la faveur de ces états oniroïdes qµe le délire a pu s’organiser. Seulement, si ce facteur « organique » primordial nous apparaît ici nécessaire, il ne nous parait pas suffisant et nous croyons que si chez cette malade des tendances affectives profondes ne l’avaient pas attirée, « poussée » au spiritisme, si Ie spiritisme ne lui avait pas fourni toute la matière et toute la qualification des symptômes hallucinatoires (comme nous le verrons plus loin), son état mental aurait probablement récupéré au bout de peu de temps sa lucidité au lieu de sombrer dans le délire.

L’entraînement, la longue initiation, l’expectation délirante, les croyances et les pratiques spirites, une fois le délire organisé, nous paraissent dans la suite suffisants pour créer tous les phénomènes actuels. [p. 137]

Analyse du délire hallucinatoire actuel

1° Actuellement, la malade s’est dépossédée de toute une partie de son activité. Elle a perdu la spontanéité de la plupart de ses actes. On lui fait penser ceci, on lui fait faire cela. Les pensées qui lui viennent à l’esprit ne sont pas d’elles, mais lui sont suggérées. Remarquons tout de suite qu’il ne s’agit pas seulement d’elle. Tout ce qui pour elle représente le Bien, l’Honnête et qui est incarné surtout par la France, est infesté par les entreprises d’esprits qui, eux, font le Mal. Les fautes politiques de la France, celles en particulier, dit-elle, de nos députés sont dues aux esprits du Sacre allemand et autrichien qui dirigent leur cerveau. « Les Esprits sont toujours responsables dans les actes de folie ou de volonté des hommes. » Tout ce qui est immoral, les crimes, la prostitution (la sexualité au fond) est dû aux esprits.

« Je pense à certains crimes que des hommes ou des femmes ont commis et qui sont jugés avec sévérité par la loi, et je le dis ici devant tous, c’est commettre la plus grave des injustices lorsqu’un malheureux agit ainsi sous le coup d’une suggestion d’âmes coquines. Ce sont les esprits qui débauchent les épouses françaises et qui poussent les hommes au vice. Elle-­même, notre pauvre malade, moi qui suis d’un tempérament froid, je constate dans certains moments que je ne suis pas dans mon état naturel. Je suis obsédée par une idée que j’appellerai hystérique, état contraire à ma nature molle, mais j’insiste en disant que je suis poussée à l’extrême. Je vis seule, mon mari ne rentre que tous les deux mois. J’ai des désirs continuels. »

Ainsi le délire apparaît sous cet aspect d’une vaste disculpation du Mal dont elle-même, ni ses amis, ni son pays ne sont responsables. Il y a dépossession des actes et des pensées pour le rejeter sur une influence extérieure à la personnalité. Cette projection hors de la synthèse du Moi des éléments de la vie mentale nous parait très considérable, car le délire hallucinatoire se révèle comme essentiellement et primordialement mû par une interprétation foncière et constante dans le sens de la dépossession de tous les phénomènes de l’automatisme mental et moteur que nous éprouvons tous (idéations brusques, discours intérieurs. imagination, « inspiration »).

Le point le plus singulier et le plus remarquable de cette dépropriation est la façon dont son « inspiration » est interprétée par elle comme exogène. C’est ce qu’elle appelle son écriture automatique. Au, début, dit-elle, « c’était très difficile ; je me [p. 138] mis à travailler le soir dans le plus grand calme, seule et là ne pensant à rien, le bras légèrement soulevé au-dessus de la table, je ne posais que la pointe de la plume sur le papier et je laissais ma main tracer sur le papier. Je ne ragardais jamais le papier lorsque ma main remuait pour écrire.

« Je me dédoublais très simplement, je restais neutre. Je suis arrivée à écrire très lisiblement au bout de six semaines. » En effet, l’écriture ici n’a pas été d’abord semi-mécanique pour devenir mécanique. Elle a d’abord été « mécanique » en ce sens que la malade n’y participait qu’inconsciemment, tandis que dans la suite et maintenant, elle écrit « d’un jet en même temps qu’elle pense » ou plutôt « qu’on la fait penser ».

Cette interprétation fondamentale favorisée par une attitude continuelle d’expectation délirante, se trouve bien mise en lumière dans ce passage où la malade se revanche par anticipation des accusations que les psychiatres porteront contre elle, de prendre ses propres pensées pour celles des esprits. « L’homme, écrit-elle à plusieurs reprises, ne sait pas distinguer les pensées qu’il prend. Bien des fois, celui qui entend la voix de son esprit ne croit pas que ce soit l’esprit qui parle et si l’homme sent en lui des moments d’angoisse, d’énervement, le contrariant dans un acte qu’il fait ou encore s’il prend en lui des réflexions soudaines, brusques, le détournant de l’idée qui l’occupe à l’instant même, sa voix ou son idée lui transmettent bien la phrase reçue dans son cerveau et cette réflexion ou cette pensée qu’il croit sienne n’est autre que celle de l’esprit … Lorsqu’un homme dit en lui­ même : « Ah ! que tu t’y prends mal, « cette réflexion qu’il croit sienne, n’est autre que celle de son. Esprit ».

Il y a donc pour elle dans ce qu’elle éprouve identité complète entre les lapsus, les idéations brusques, la conversation intérieure, etc., et les phénomènes qu’elle décrit comme de nature exogène. Ce qu’il y a donc de pathologique chez elle, ce n’est pas l’apparition de phénomènes parasites particuliers, c’est la dépossession délirante de phénomènes banaux.

Le corollaire, pourrait-on dire, de cette dépossession, c’est l’attribution à une présence et à une action étranqères. Il y a là une telle projection hors de soi de ces phénomènes que toutes ces idées, ces sentiments, en s’opposant à la personnalité, se posent du même coup comme une réalité objective « hallucinatoire ». La malade croit à l’existence des esprits, ils sont là, ils sont dans sa tête, elle les entend, elle parle avec eux. Ils s’entretiennent avec elle. Le spiritisme, en justifiant la possibilité de tels phénomènes, de tels êtres, garantit I’authenticité de l’hallucination [p. 139] La malade a des perceptions d’objets qui n’existent pas ; elle y croit comme à une réalité et dans son langage et ses écrits elle nous offre cette réalité avec une conviction absolue. C’est, croyons-nous, cette croyance essentielle dans la réalité d’une perception injustifiable « qui n’existe pas » que réside le trait fondamental des hallucinations et c’est cet élément essentiel qui est apporté à notre malade par le spiritisme, par le délire spirite.

Délire et syndrome hallucinatoire

L’hallucination a suivi le développement du délire. Elle a été conditionnée, comme nous l’avons indiqué, par une attitude d’expectoration délirante. Elle représente un faux jugement de réalité, une projection dans « la réalité » [qui s’oppose à la personnalité (objectivité psychique] de ce qui n’est plus reconnu comme à soi… et en particulier de l’ensemble des phénomènes de notre automatisme moteur et idéique sur lequel le délire projette brusquement une attention trop vive.

Pour nous, la question pathogénique essentielle est de savoir comment le délire s’est construit et nous avons émis l’hypothèse que des bouleversements organiques initiaux ne devaient pas être étrangers à sa genèse. Nous ne pensons pas que le renversement de l’ordre des facteurs (l’hallucination créant le délire) soit justifiable ou en tous cas justifiée.

D’ailleurs, l’hallucination apparaît constamment dans les déclarations de la malade comme un phénomène assez flou et difficile à préciser. Ce qu’il y a de frappant chez elle, c’est plus un effacement des limites entre ce qui est réel ou imaginaire possible ou impossible, ce qui est extérieur ou intérieur (hall. psychiques ou auditives, par exemple), que l’imposition neutre, mécanique et inexplicable de phénomènes qui se surajouteraient effectivement à ses perceptions ou à ses idées. Nous ne voulons pas insister ici sur ce point important, mais notons ce passage : « L’homme a dans la tête un miroir sans prix qui répond tout à l’appel du souvenir ; ce n’est rien pour lui puisqu’il ne s’y intéresse pas et c’est tout pour l’esprit cependant, puisqu’il est là, incompris, restant seulement en un corps qu’il aime et qui ne lui donne rien. Il est ce miroir, le transmetteur des pensées de son esprit qui le protège dans ses idées, enfin l’homme a tort de ne pas chercher en lui ce qui le double dans la vie. »

N’avons-nous pas le droit de nous demander quels éléments objectifs nous pouvons tirer en matière d’écho de la pensée, par exemple d’une malade qui intègre ainsi dans tout son système [p. 140] délirant les éléments de son activité mentale et ne devons-nous pas suspecter ses dires comme nous suspectons, sans chercher seulement à en vérifier les données, ses déclarations touchant l’action des esprits sur le monde et les événements ?

Il nous parait en effet que nous nous trouvons en présence d’une malade dont la mentalité est bouleversée dans ses catégories essentielles. Enflée de métaphysique spirite, sa pensée est uniquement polarisée dans une activité autistique vers le monde des âmes et des esprits. Elle présente du fait de la suggestion de croyances spirites (non exclusives d’ailleurs pensons-nous), une mentalité paraloqiqne qui nous la fait assimiler aux états paranoïdes.

On oppose souvent la FORME hallucinatoire au CONTENU du délire. Le contenu apparaît dès lors comme souvent pittoresque, mais toujours contingent, le syndrome hallucinatoire serait la vraie forme du délire, c’est-il-dire sa condition basale et essentielle. Nous pensons quant à nous que, dans le cas particulier, on ne peut pas opposer une forme et un contenu dans le délire : le symptôme hallucinatoire dans sa qualification particulière est essentiellement solidaire et dépendant du « contenu », et inexplicable sans lui. Ce contenu exprime la part importante des croyances et pratiques spirites dans la genèse et l’organisation du délire hallucinatoire. Quant à ce qui reste du fait délirant quand on en a enlevé sa matière propre, c’est-à-dire la croyance en telle ou telle réalité, Ce sont les conditions mêmes d’apparition du délire et croyons-nous précisément, ses conditions biologiques. Nous considérons donc notre malade comme ayant pu être déterminée dans le développement de son délire par l’état semi-confusionnnel qu’elle a présenté au début de ses troubles, mais nous pensons que la structure même de son délire et, singulièrement, ses ornements hallucinatoires sont fonction directe de son délire paranoïde spirite.

NOTE

(1) Cette observation a été prise dans la Clinique du professeur Claude.

 

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