Calmeil Louis-Florentin (1798-1895). Par Michel Collée.

CALMEIL0003Cet article est extrait de la réédition de De la folie considérée sous le point de vue pathologique, philosophique, historique et judiciaire, depuis la Renaissance des sciences en Europe jusqu’au XIXe siècle. Paris, J.-B. Baillière, 1845, proposée par Michel Collée, dans sa collection « Psychiatrie clinique », aux édition Jeanne Laffitte, à Marseille, en 1982, en 2 volume.  

Louis-Florentin Calmeil naît à Poitiers le 9 août 1798. A vingt-deux ans, il quitte sa ville natale et rejoint Paris pour y entreprendre ses études de médecine. Il effectue un rapide passage dans le service de Guillaume Dupuytren (1777-1835) chirurgien de l’Hôtel Dieu, puis dans celui de Louis-Léon Rostan (1796-1866) à la Salpêtrière où il reste deux ans, durant lesquels il recueille une grande quantité d’observations qui serviront de documentation à la thèse qu’il rédigera sur l’épilepsie. C’est là qu’il fait la connaissance de Guillaume-Marie-André Ferrus (1784-1861), Jean-Baptiste Delaye (1789-1879), Etienne-Jean Georget (1795 -1828) et Achille-Louis Foville (1799-1878). En 1823, il demande sa nomination à Charenton comme interne en chirurgie et l’obtient. Il occupe cette place quelques mois puis, en janvier 1824, il prend la place d’interne en médecine dans le service d’Antoine-Athanase Royer-Collard (1768-1825) alors médecin en chef. C’est sous la présidence de ce dernier qu’il soutient sa thèse en 1824 : De l’épilepsie étudiée sous le rapport de son siège et de son influence sur la production de l’aliénation mentale. En même temps, mais depuis plusieurs années, Antoine-Laurent-Jessé Bayle (1799-1858) travaille aux idées de Royer-Collard. Il écrit sous la présidence de celui-ci sa thèse en 1822 : Recherches sur les maladies mentales, dans laquelle il exprime, sans la décrire d’une manière spécifique, son intérêt pour la paralysie générale, encore appelée paralysie. Calme et Bayle, tous deux nourris du même enseignement, arriveront cependant à deux conceptions totalement opposées concernant la paralysie. Leurs deux ouvrages paraissent la même année, en 1826, et s’intitulent respectivement, pour Calmeil : De la paralysie considérée chez les aliénés, et pour Bayle : Traité des maladies du cerveau et de ses membranes. Maladies mentales. Pour le premier, elle n’est qu’une sorte de paralysie spéciale, une complication des plus funestes de l’aliénation mentale ; pour le second, une nouvelle identité clinique. La querelle sur la Paralysie Générale est lancée et donne raison à Calmeil pour quelques temps encore. Il ne se privera pas de vives critiques sur les travaux de son contemporain. Il faudra attendre plusieurs années avant que la découverte de Bayle soit enfin reconnue comme telle. Jules Falret (1824-1902) en fut un ardent promoteur. Survient alors la mort de Royer-Collard remplacé comme titulaire du Service de Charenton par Jean-Etienne-Dominique Esquirol (1772-1840). Calmeil se trouve collaborer pour la seconde fois avec lui, et pour une quinzaine d’années. Il est sollicité par Jacques Raige-Delorme (1795 -1887) pour rédiger quelques articles dans le Dictionnaire de Médecine ou répertoire des Sciences Médicales. Il accepte de rédiger, entre autres, les articles sur l’extase et l’hallucination (qui paraissent en 1836) et est amené, de ce fait, à porter son intérêt sur le délire. Son orthodoxie quant aux positions d’Esquirol sur l’hallucination est totale. Il reprend la théorie exprimée la première fois par son maître, consistant à démontrer que les hallucinations s’attachent à tous les sens et non à ceux de l’ouïe et de la vue. Il est un des premiers, après François Leuret (1797-1861) et Esquirol à puiser dans les phénomènes de possession pour développer ses théories sur l’hallucination. L’on entrevoit dans ses articles tout l’intérêt qu’il porta à l’histoire de la sorcellerie et de ses manifestations. Peu de publications naîtront jusqu’à son Histoire de la folie et l’on peut penser qu’il mit à profit ces dix années pour la préparer.

Entre-temps survient la mort d’Esquirol qui provoque un intense remous institutionnel, du fait que sa succession est assurée par un médecin du Roi, M. Foville Père, alors que la place revenait de fait à Calmeil. Foville reste à ce poste jusqu’aux événements de 1848. Sont alors nommés Théophile Archambault (1806-1863) comme responsable du service des hommes et Calmeil de celui des femmes. Th. Archambault doit rapidement abandonner son poste pour raisons administratives et Calmeil est alors nommé médecin-chef de la maison de Charenton.
Quelques années avant cette nomination, Calmeil fait paraître, en 1845 De la folie considérée sous le point de vue pathologique, philosophique,historique et judiciaire, depuis la Renaissance des sciences en Europe jusqu’au XIXe siècle. Paris, J.-B. Baillière. Sa parution intervient au beau milieu de la discussion sur l’hallucination qui oppose les tenants de la théorie de l’hallucination comme phénomène naturel, soutenue par Alexandre- Jacques-François Brière de Boismont (1798-1881), et ceux de l’hallucination phénomène pathologique défendue par Louis-Ferdinand- Alfred Maury (1817 -1892). Il est malaisé de prendre appui sur l’ouvrage de Calmeil pour approcher cette discussion car il n’est pas réellement représentatif de la polémique qui s’instaura alors et qui eut son apogée en 1855, à l’intérieur de la Société-Médico-Psychologique. D’autre part, l’ouvrage n’étant pas polémique, il fut éclipsé par celui de Brière de Boismont qui, lui, fut écrit dans ce but, et celui de Jacques-Joseph Moreau (de Tours) (1804-1884) : Du Haschich et de l’aliénation mentale, qui par son aspect révolutionnaire éclipsa tous les autres. Nous pouvons cependant préciser que Calmeil se rangea du côté de Maury. C’est après l’ouvrage de F. Leuret sur Les fragments psychologiques sur la folie édité en 1834, puis le Traité des maladies mentales de J.-E.-D. Esquirol de 1838, le troisième à envisager, comme base clinique à l’étude des hallucinations, les phénomènes de possessions démoniaques et les phénomènes y affairant. Il est le premier, à notre connaissance, à envisager les hallucinations sous leur aspect épidémique. Il cherche la façon de démontrer que toutes les grandes crises religieuses et sociales ont été signalées par de tels phénomènes. Il nous montre comment une même hallucination peut coexister chez des individus différents, mais placés dans les mêmes conditions et obsédés par les mêmes idées. C’est avant tout un travail d’érudition et une accumulation de documents le plus souvent introuvables, livrés ici dans le seul but de nous mieux faire comprendre ce que sont les hallucinations. Il est agréable de constater que l’auteur n’a pas agencé les textes cités dans le but de nous démontrer telle ou telle théorie, mais qu’il a choisi simplement la chronologie comme idée directrice. Nous dirons donc qu’il s’agit du plus complet des ouvrages traitant la sorcellerie sous cet aspect et qu’il est une référence précieuse pour quiconque aborde l’histoire des idées.

Cet ouvrage devait être un des derniers écrits que nous légua Calmeil. Il publia en 1859 un Traité des maladies inflammatoires du cerveau. Il prit sa retraite le 1er mars 1872. Il mourut à quatre-vingt-dix-huit ans, le 11 novembre 1895.

Principaux écrits de Calmeil

Observations sur le ramollissement du, cerveau, Journal de médecine, 1820, t. 9, 27,46, 115, 129.

Arachnitis, Journal de médecine, .1820, t. 9, 242.

De l’épilepsie étudiée sous le rapport de son siège et de son influence sur la production de l’aliénation mentale. Thèse. Paris, 1824.

De la paralysie considérée chez les aliénés, recherches faites dans le service de feu M. Royer-CoHard et de M. Esquirol. Paris, J.-B. Baillière, 1826, in-8, (2), n, 446.

Recherches sur la structure, les fonctions et le ramollissement de la moelle épinière, Journal des progrès des ~ciences et institutions médicales en Europe, en Amérique, etc. .. Paris, 1828, t. Il, 77, 1829, t. 12, 183.

De la folie considérée sous le point de vue pathologique, philosophique, historique et judiciaire, depuis la Renaissance des sciences en Europe jusqu’au XIXe siècle. Paris, J.-B. Baillière, 1845, 2 vol. in-8, I(I), VIII, 5341 + Ivn, 522, (I)/.

Rapport médico-légal sur l’état mental du sieur R … inculpé d’homicide volontaire. (avec Devergie et Tardieu). Annales médico-psychologiques, Paris, 1856, t. 2,66.

Traité des maladies inflammatoires du cerveau, ou histoire anatomopathologie des congestions encéphaliques, du délire aigu, de la paralysie générale… Paris, J.-B. BaiHière, 1859, 2 vol. in-8, /VIII, 690/ + /728/.

Discours prononcé à l’inauguration de la statue d’Esquirol le 22 novembre 1862.

Dictionnaire de médecine ou Répertoire général des sciences médicales considérées sous le rapport théorique et pratique. Paris, Béchet, 1832-1846, 30 vol. in-8, articles sur : aliénation, catalepsie, cauchemar, céphalalgie et céphalée, continence, contracture, délirium tremens, démence, encéphale, extase, hallucinations, idiotisme, magnétisme animal, manie, migraine, moelle épinière (maladies de la), monomanie, nerveux (anatomie et physiologie du système), paralysie générale des aliénés, ramollissement cérébral, suicide.

Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales (Dechambre), articles: aliénés (maladies intercurrentes des), lycanthropie, lypémanie.

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