Bizarre. Les Hétéroclites et les Fous littéraires. 1956. Par Marc Ways. Juin 2015 de l’Ère Vulgaire.

MARCWAYS0001Les Hétéroclites et les Fous littéraires.  Bizarre. Avril 1956 N° IV. 1 vol. Par Marc Ways. Juin 2015 de l’Ère Vulgaire.

 

AVERTISSEMENT

En consacrant un fascicule tout entier de la revue BIZARRE aux fous et hétéroclites littéraires (on en trouvera plus loin d’excellentes définitions, celle de Nodier mise au point par Raymond Queneau nous semblant cependant prévaloir), nous n’avons point la prétention d’offrir au lecteur un travail définitif. Eussions-nous eu dès l’abord la vanité d’y prétendre, que les angoisses, les scrupules, les hésitations, les éliminations raisonnées et successives puis la capitulation finale de Chambemac, proviseur au lycée de Mourmèche et bibliographe, nous auraient incité à plus de circonspection. Les difficultés multiples que nous rencontrâmes personnellement dans l’établissement de ce numéro, à savoir les angoisses, les hésitations, les scrupules qui nous saisirent, nous agitèrent, à l’instar de la quenellienne créature, devant les mêmes portes, en face d’identiques problèmes, ont peu à peu et définitivement fait fuir tout espoir d’épuiser la question. On trouvera donc ici, non une somme, non le catalogue complet de tous « les fous bien avérés qui n’ont pas eu la gloire de faire secte », mais un échantillonnage abondant et que nous croyons judicieux, d’œuvres de littérateurs déments, extravagants ou plus simplement bizarres. Ce cahier constitue – car nous y reviendrons, le dossier restant ouvert et la folie comme la manie d’écrire n’étant pas prêtes de disparaître le premier volume de ces Etudes Chambernaciennes dont l’absence jusqu’ici s’est fait cruellement sentir.

Déjà, ce numéro à peine bouclé, d’autres exemples nous sollicitent qu’il nous faudrait inclure : Hayot et son énigmatique Origine de l’Electricocontépimanie, le Prince Grigori Stourdza et ses Lois fondamentales de l’Univers (Théorème 143 : L’âme est formée d’un gaz éthéré neutre »), Oscar Vignon, auteur d’un volumineux Hoch ! Moch ! Boch ! et champion des étymologies Gauloises, Scarpiti, quadrateur, Despaignol-Lafagette, auteur méconnu des Voies providentielles ou seuls moyens de guérir tous les maux qui, jusqu’ici ont affligé l’humanité, Gëorgia Knap l’Homme aux Cent Métiers, l’Homme qui a le plus fait pour l’Humanité (respectons les majuscules !), Robert Vandelanotte, ovo-biologiste technique breveté, tant d’autres encore, qu’une lecture même superficielle du respectable catalogue de la Bibliothèque Nationale permet de déceler (entre LOREAU et LOSTALOT, par exemple, pas moins de dix «suspects» imprimés !).

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Notre contribution est donc imparfaite. Pis, incomplète. Néanmoins nous nous flattons d’avoir amené au jour un nombre de cas intéressants ou inconnus, d’avoir précisé certaines données. Raymond Queneau, à qui nous devons le premier travail scientifique sur ce compartiment négligé de la littérature, par le truchement de Chambernac, bornait son étude au seul XIX- siècle. Nous avons avec Nodier, reculé ces limites volontairement imposées, abordé l’étude de Bluet d’Arbères, Franciscus Columna, Louis de Neufgermain (dont l’œuvre «hétéroclite» eût mérité quelque reconnaissance), etc. De même nous avons étendu à tous les pays de langue française l’objet de nos recherches. La Belgique est ici largement représentée. Qu’on n’y voie point une entreprise de dénigration qui aurait réjoui Baudelaire. Au vrai, nous ignorons si dans les Flandres la densité des fous est plus grande qu’ailleurs. Ce n’est là qu’une coïncidence.

Le remarquable Essai de Bibliographie d’André Blavier sur ses compatriotes permet en tout cas de juger ce que serait, et l’intérêt considérable que présenterait en ces matières, une étude systématique.

Ailleurs, nous avons cru devoir inclure Al.-V.-Ch. Berbiguier de Terreneuve du Thym, fort connu des spécialistes et des psychiatres ainsi que le confirme Chambemac. Mais, outre que la monographie de Champfleury peut être considérée comme un modèle du genre, Berbiguier est le type même du fou littéraire et comme tel, exemplaire. C’est à ce titre que nous l’avons retenu, en dépit de sa notoriété. Il en va de même avec Paulin Gagne. Connu, Gagne l’est également. Du moins de nom: son œuvre, introuvable, éparpillée, défiant les recherches minutieuses des bibliographes les plus acharnés, méritait qu’on s’y arrêtât encore une fois. L’article de Simon Brugal allie à la Science pure un sens de l’anecdote non négligeable sans lequel ce numéro de BIZARRE que nous voulons sérieux eût été par trop aride. A propos de Gagne, remarquons l’emploi qu’il fait d’un certain nombre de mots paralloïdres chers à notre ami André Martel : vinicultivrogne, séricultumûre, pataticulture, suicéicide …

Encore une fois, ce travail est loin d’être complet. Ces parallipomènes aux Enfants du Limon auront une suite. Nous engageons tous les lecteurs de Bizarre à y participer et à signaler les œuvres qui auraient pu nous échapper. Nous les en remercions à l’avance comme nous remercions avec Raymond Queneau, tous nos collaborateurs directs dont on trouvera les noms au sommaire et les collectionneurs Maurice Bazy, Romi, Roger Cornaille qui ont bien voulu, pour nous, ouvrir les dossiers de leurs collections – et défaire l’ordre de leurs bibliothèques.

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