Benjamin Ball. Les rêves prolongés. Extrait de la revue « Nice-Médical », (Nice), 9e année, n°9, juin 1885, pp. 140-141.

Benjamin Ball. Les rêves prolongés. Extrait de la revue « Nice-Médical », (Nice), 9e année, n°9, juin 1885, pp. 140-141.

 

Benjamin Ball nait le 20 avril 1833 à Naples et meurt le 23 février 1893 à Paris. Elève de Charles Lasègue, il sera la premier à occuper la chaire des maladies mentales créée en 1975. Ses leçons sont publiés dans ses Leçons sur les maladies mentales, dans une première édition de 1883, puis dans une seconde, augmentée de 1890. Ses principaux travaux ont portés sur le délire chronique, le rapport des aliénés et de la médecine légale.
mais aussi :
— La médecine mentale à travers les siècles. Extrait de l’ouvrage « Leçons sur les maladies mentales », (Paris), Asselin & Cie, 1880, pp. 1-35. [en ligne sur notre site]
— La stigmatisée de S… Extrait de la revue « l’Encéphale », (Paris),  1881. [en ligne sur notre site]
— La folie religieuse. Article extrait de « La Revue Scientifique de la France et de l’étranger. » (Paris), troisième série. – tome IV, (tome XXX de la collection), 2me année – 2me trimestre, juillet 1882 à janvier 1883, pp. 336-342. [en ligne sur notre site]
— Leçons sur les maladies mentales. Premier fascicule. I. De la folie en général. – 2. Des illusions et des hallucinations. Paris, P. Asselin, 1876. 1 vol.
— Leçons sur les maladies mentales. Premier fascicule. I. De la folie en général. – 2. Des illusions et des hallucinations. Paris.
— Délire. Extrait du Dictionnaire encyclop. des Sciences Médicales Dechambre. Paris, G. Masson et Asselin et Cie, s. d; [18??]. 1 vol. in-8°, pp. 315-408.
— Du délire chronique. Communication faite à la Société médico-psychologique en 1887. Extrait de l’Encéphale. 1887. Le Mans, Ed. Monnoyer, 1887. 1 vol.
— La folie érotique. Deuxième édition. Paris, J.-B. Baillière et fils, 1893. 1 vol.
— La Médecine Mentale à travers les siècles. Leçon d’ouverture du cours de clinique des maladies mentales 16 novembre 1879. Paris, Asselin et Cie, 1879. 1 vol. i
— La Morphinomanie. Les frontières de la folie. Le duélisme cérébral. Les rêves prolongés. Le folie gémellaire ou aliénation mentale chez les jumeaux. Paris, Asselin et Houzeau, 1885. 1 vol. i
— Leçons sur les maladies mentales. Paris, Asselin et Houzeau, 1880-1883. 1 vol;
— Leçons sur les maladies mentales. Deuxième édition. Paris, Asselin et Houzeau, 1890. 1 vol. [« Edition très augmentée]

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 140]

LES RÊVES PROLONGÉS

Ce singulier état, physiologique, dans lequel le sommeil projette son ombre sur la veille, est loin d’être exceptionnel et je connais, pour ma part, nombre de personnes qui en sont plus ou moins victimes.

Une de mes observations les plus remarquables est celle d’un homme d’une intelligence assez développée, qui passait sa vie à forger des romans, dont il était dupe lui-même le premier. Un jour, il quitte sa femme, sous prétexte d’aller participer aux épreuves d’un concours ; il rentre chez lui quelques heures plus tard, rend compte du sujet qui est sorti de l’urne et de la manière dont il l’a traité. Il discute les probabilités de sa nomination et se couche plein d’espérance. Le lendemain, un ami auquel il rend compte de ses efforts, en présence de sa femme, le désabuse en lui apprenant que le concours en question n’a jamais existé et que la place n’est pas vacante. Un autre jour, il rentre chez lui, disant à sa femme qu’il a été insulté par un de ses amis, et qu’il doit se battre en duel avec lui le lendemain, à six heures du matin. Ceci dit, il se couche et s’endort tranquillement, La malheureuse femme passe la nuit dans des angoisses affreuses ; mais le lendemain, à six heures, le mari dormait profondément ; on se garda bien de le réveiller. Lorsqu’enfin il se fut éveillé il ne parla plus de son duel : c’était’ encore un rêve qui’ avait traversé son esprit. [p. 141]

A son arrivée à Paris, où il était venu pour me consulter, il sortit pour venir me trouver ; quelques heures, plus tard il rentrait, plein de souvenirs de l’entrevue, et donnant force détails sur la consultation qu’il m’avait demandée et sur les prescriptions que j’avais formulées. Or, ce récit était purement imaginaire. Le lendemain il m’écrit une lettre pour me prier de passer chez lui. A peine étais-je arrivé, qu’il commençait la série de ses confidences en ces termes : « Monsieur, je suis atteint d’une triste maladie ; je suis horriblement menteur. » Il était menteur, eu effet, parce que ses rêves perpétuels empiétaient à tel point sur le domaine de la réalité, qu’il passait sa vie à raconter des faits imaginaires ; on ne pouvait jamais croire un seul mot de ce qu’il disait.

On pouvait supposer qu’il cherchait à masquer des habitudes vicieuses, en donnant des prétextes plus ou moins plausibles pour justifier ses absences prolongées. Mais, lorsqu’on parvenait à le suivre et le surprendre en pleine crise, on le trouvait attablé dans un café, ou couché dans une chambre d’hôtel sans qu’il fût possible d’assigner aucun motif, même érotique à cette fugue insensée. Il était visiblement plongé dans un rêve dont les souvenirs persistaient après le réveil.

Carpenter rapporte l’observation d’une dame, chez qui les souvenirs du rêve se mêlaient d’une façon tellement intime aux impressions de la veille, que jamais elle n’osait affirmer un fait quelconque, craignant toujours de l’avoir rêvé.

Prof. BALL. Société clinique.

 

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