Auguste Viatte. Les origines françaises du spiritisme Article paru dans la « Revue de l’Eglise de France », (Paris), tome 21, n°90, 1935, pp. 35-58.

VIATTESPIRITISME0001Auguste Viatte. Les origines françaises du spiritisme Article paru dans la « Revue de l’Eglise de France », (Paris), tome 21, n°90, 1935, pp. 35-58.

La thèse que défend Augutse Viatte dans cet article est originale et peu courante : il tente de démonter la filiation directe entre le magnétisme animal de Mesmer et le spiritisme d’Allan Kardec. Il aurait pu compléter son argumentation en en concluent que le spiritisme n’aurait été qu’un avatar dans cette descendance, alors que les différentes psychologies des profondeurs et la psychanalyse en ont été les rameaux les plus vifs. – Un appareil de notes, très conséquent vient compléter cette excellente étude;.

Auguste Viatte (1901-1993). D’origine suisse, après avoir terminer ses études par un Doctorat d’État à la Sorbonne en 1927 il commence à voyager et devient Français dans les années 1930. Il s’est beaucoup intéressé à l’illuminisme et à certains aspects de la mystique .de la mystique.
Quelques publications :
— Les Sources occultes du romantisme, Honoré Champion, Paris, 1927, 1965, 1969, 1979
— Victor Hugo et les illuminés de son temps », Ed. de l’Arbre, Montréal, 1942, Ed. Slatkine, Genève, 1973.

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LES

ORIGINES FRANÇAISES DU SPIRITISME

I. Le mesmérisme, interrompu par la Révolution, reprend avec Deleuze, sous une forme médicale. — II. Les magnétiseurs spiritualistes lui donnent bientôt une allure religieuse et se groupent en sociétés mystiques. III. Après 1840, Du Potet dirige l’offensive des magnétiseurs : leur propagande littéraire ; leurs controverses avec des ecclésiastiques ; leurs principaux chefs : Delaage, J.-A. Gentil, Olivier. Cahagnet, et leurs systèmes. — IV. Le pré-spiritisme : vers la notion dc corps astral et la pratique des tables tournantes. — V. Le spiritisme, importé d’Amérique en 1853, doit beaucoup au magnétisme, mais se pose immédiatement en rival, et triomphe, après un duel qui se prolonge jusque vers 1860.

Les historiens du spiritisme en parlent souvent comme si cette doctrine était née par génération spontanée. En 1847, disent-ils, les premiers phénomènes se produisirent dans la famille Fox, à Hydesville près de New-York ; la doctrine fit son entrée en France six ans plus tard. A quoi tint son succès ? quels devanciers le préparèrent ? Ils n’en soufflent mot. Tout au plus souligneront-ils certaines ressemblances avec les procédés de Mesmer au XVIIIe siècle : « le fluide des spirites ressemble tellement à celui des magnétiseurs, écrit M. René Guénon, que le mesmérlsme, tout en étant fort éloigné du spiritisme, peut être regardé en un sens comme un de ses précurseurs (1)… » Je me propose de montrer ici qu’entre mesmérisme et spiritisme il y a continuité totale ; que, pendant toute la première moitié du XIXe siècle, les magnétiseurs n’ont cessé d’entretenir en France un état d’esprit favorable à l’évocation des « esprits » ; et que, si les spirites les ont supplantés par un véritable coup d’État, eux-mêmes n’en avaient pas moins incliné de plus en plus vers la doctrine et les pratiques que ces rivaux mettront à la mode.

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I

Cela recommence sitôt après 1815. Mais le magnétisme de cette époque reste discret. Deleuze, son chef, évite tout ce qui l’assimilerait aux illuminés dont il procède. C’est un médecin, et il se cantonne sur le terrain médical. Possesseur, croit-il, [p. 36] d’une nouvelle thérapeutique, il invite ses collègues à l’examiner. Des expériences ont lieu à l’Hôtel-Dieu, en 1820 d’abord, puis du 13 décembre 1825 au 13 juillet 1826, avec la collaboration des docteurs Husson, Adelon, Marc, Pariset, Bourdin. — L’homme possède en lui un « fluide vital », affirme Deleuze, qu’il peut projeter sur un malade ; il peut même le communiquer à des objets inanimés, et ces objets reçoivent ainsi le pouvoir de guérir. Rien de plus. Quelles conséquences métaphysiques tirerez-vous de ces phénomènes, c’est votre affaire : on vous prie seulement de les constater. Interrogé sur ses opinions religieuses, Deleuze se dérobera toujours : il se dit gallican et tolérant, et, somme toute, assez indifférent : il se borne aux « articles de foi qui sont dans le Credo » (2) ; il pourrait vous montrer, autour de lui, des élèves qui se contentent à moins de frais encore, et qui, devenus maîtres à leur tour, fonderont leur croyance uniquement sur « les sentiments du cœur » (3), ou sur la raison, sans y mêler quoi que ce soit de leur magnétisme ; tel d’entre eux, affirmera-t-on même, « nie l’existence immortelle de l’âme humaine en petit comité » (4).

En petit comité, Deleuze, lui, dirait sans doute tout autre chose ; et sa correspondance avec le docteur Billot nous révèle plus d’une arrière-pensée. « J’ai caché bien des choses dans mes ouvrages, avoue-t-il, parce qu’il n’est pas encore temps de les dires » (5). Sans doute il demeure extrêmement circonspect, même en son privé, à l’égard des somnambules qui prétendent communiquer avec le monde spirituel, mais il lui suffit que de telles communications soient possibles ; il le croit du moins, il croit que le magnétisme l’a démontré, et il y voit comme une vérification expérimentale du christianisme. Non seulement le magnétisme aide « à confondre le matérialisme », mais « c’est au magnétisme que je dois aussi mon retour au christianisme… Le magnétisme démontre la spiritualité de l’âme et son immortalité ; il prouve la possibilité de la communication des intelligences séparées de la matière avec celles qui lui sont encore unies ; mais il ne m’a jamais présenté de phénomènes qui m’aient convaincu que [p. 37] cette possibilité se réalise souvent (6). » Deleuze, qui n’est peut­ être pas, au sens propre, un magnétiseur spiritualiste, est tout au moins un spiritualiste magnétiseur.

Qu’est-ce, en effet, que le « fluide », sinon la vie elle-même, intermédiaire entre I’âme et le corps ? Ne nous met-il pas en comrnunication avec toute la nature ? Ne nous dégage-t-il pas, momentanément, de nos entraves matérielles ? Et cette faculté que nous a donnée la Providence ne mérite-t-elle pas nos actions de grâces continuelles ? Voilà les conséquences que pressentent les magnétiseurs les moins aventureux ; ils travaillent dans la fièvre, les actions de grâces dont ils parlent leur viennent spontanément aux lèvres ; c’en est assez pour justifier toutes les suspicions des médecins voltairiens.

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II

Dès 1818, Deleuze constatait l’existence des magnétiseurs spiritualistes.

« Quelques magnétiseurs, dtsait-il, qu’on a désignés sous le nom de spiritualistes, ont imaginé que, dans l’état de crise, l’âme se trouvant plus affranchie des liens de la matière, elle pouvait se mettre en relations avec les êtres spirituels. Selon eux, ces êtres spirituels sont bons ou méchants ; ce sont des anges ou des démons ; et l’on entre en communication avec les uns ou les autres, selon que l’on veut le bien ou le mal, selon qu’on a des intentions pures ou des intentions perverses, selon qu’on est pieux ou impie, selon qu’on implore le secours de Dieu, ou qu’on s’abandonne à l’empire de Satan. Je ne crois pas que cette doctrine soit vraie : j’ai prouvé dans mon ouvrage qu’elle n’est pas établie sur des fondements solides ; mais du moins elle est conséquente. Si le démon peut prévoir l’avenir, pourquoi l’âme humaine ne le pourrait­ elle pas ? Pourquoi cette faculté ne serait-elle pas, comme tant d’autres, un don de Dieu, sans être cependant une preuve de la sainteté de celui qui la possède ? » (7)

Il s’agit donc ici d’une véritable secte, qui, de la possibilité, conclut à la réalité, et dont les affirmations annoncent presque mot pour mot celles du spirite Allan Kardec. Faut-il s’en étonner ? Non, puisque Mesmer, aux temps héroïques, avait vu se presser à son baquet toutes les personnalités notoires de l’illuminisme. A côté de Cabanis ou de Franklin, à côté de La Fayette, chargé « d’établir dans les Provinces-Unies de I’Amérique septentrionale la doctrine du magnétisme animal », la Société mesmérienne de l’Harmonie avait compris un Saint-Martin, et des swedenborgiens, Corberon ou Gombauld, [p. 38] et des francs-maçons mystiques, Chefdebien, Savalette de Langes, Tassin de l’Étangs (8)… Quelques-uns de ces premiers combattants survivaient encore. Puységur, un précurseur, rentré d’exil, échangeait avec d’anciens martinistes des lettres que copiait respectueusement Deleuze (9) ; la duchesse de Bourbon, célèbre jadis parmi les adeptes, prolongera sa vie juste assez pour voir la Restauration et pour être Introduite par le même Puységur chez « la sultane indienne Alina d’Eldir », qui ouvre une officine mystique (10). Parallèlement, des étrangers mystérteux, le docteur Korefï, l’abbé Faria, jetaient par leurs cures l’émoi dans les salons. Il ne fallait pas grand’chose pour amalgamer à nouveau, sous de tels auspices, les aspirations vers le surnaturel, les observations empiriques, et la magie.

Tenons compte aussi des « guérisseurs par la prière ». C’est l’époque où le prince de Hohenlohe, converti et prêtre allemand, invoquait Dieu pour les malades qu’on lui confiait, et les ramenait à la santé ; ses « miracles » faisaient grand bruit ; les magnétiseurs les enregistraient avidement. « Dans les siècles passés, écriront-ils lorsque mourra le prince, celui qui vient de succomber eût été canonisé; on l’eût mis dans la légende (11). Une swedenborgienne, Mme de Saint­ Amour, procédait à des « miracles » semblables. Tel est l’esprit dans lequel nous devons utiliser le fluide, enseigneront les spiritualistes : c’est « une faculté que nous a laissée le Christ (13) ; ne nous en servons qu’avec vénération ; son usage est-il même nécessaire ? « Vouloir guérir le malade et prier pour lui, voilà tout. Alors, suivant les desseins de Dieu, les anges agissent sur le malade, qu’il soit près ou loin de nous (14). Tout à l’heure nous reconnaissions les théories d’Allan-Kardec, nous pourrions évoquer maintenant celles de Mrs Eddy, et de la Christian-Science.

Nous restons cependant encore plus près d’Allan-Kardec. Les évocations que signale Deleuze forment la base du magnétisme spiritualiste. Des somnambules voient leurs bons anges ; ils visitent le ciel et l’enfer ; leur esprit « se transporte au gré des questionneurs dans les astres, aux antipodes, [p 39] sous la croûte du globe terrestrers (15). » Et des sociétés mystiques, comme au XVIIIe siècle, se forment autour d’eux : la guérison des malades n’est plus à leurs yeux qu’un détail ; ils ambitionnent bien plus : les cieux leur livreront leurs secrets, et la « transe » magnétique deviendra le rite central d’une liturgie. Elle rappelle tellement celle des illuminés antérieurs, et on le constate si tôt, qu’on peut douter si la tradition en a jamais été interrompue.

Voici comment le colonel Roger et son « lucide » Adolphe procédaient à Nantes. Assistés de sept autres magnétiseurs, ils constiluaient un cercle cabalistique. « L’on dessina sur le parquet ce cercle en regard d’un autre semblable peint au plafond. Rien ne fut épargné à la confection de ces forteresses spirituelles. Chacun des membres du cercle adopta une des demi-sphères qui en garnissent intérieurement le tour. Le chef du cercle et le lucide se placèrent au centre dans les parties réservées à Adam et à Ève. Là, armé de cette croix que tu vois, espèce de talisman, le chef du cercle était plus fort que le prince des ténèbres. Le lucide était placé sous la direction d’un esprit qui, de temps à autre lui faisait payer cher l’espèce de commandement que ce somnambule se permettait à son égard (16). » — Les cérémonies sont autres à Cucuron (Vaucluse), dans le cercle que préside le docteur Billot : Après la récitation du psaume Exsurgat Deus, elles « commençaient par l’Athanalophanie, ou apparition des esprits, et se terminaient par la partie médicale, c’est-à-dire par le Raphaélisme, ou médecine angéliquer (17 » ; les visionnaires interrogent leurs bons anges, décrivent les merveilles qu’ils contemplent, et il y a des extases, et des stigmates. — A Paris, « l’Ordre moral asiatique universel, fondé sous le nom de la noble porte de l’Élysée » par « la sultane indienne Alina d’Eldir » (alias Mme Mercier), semble comporter moins d’action et plus de belles paroles : on y rencontre Gence, qui fut l’ami de Saint-Martin, et Paeschiers du Bisson, qui fut celui de [p. 40] Fabre d’Olivet, et des érudits comme le marquis de Forfia d’Urban ou M. de Villenave ; on y décerne des diplômes, on y entonne des cantates, on y prononce des discours moraux : la maîtresse du lieu roucoule ses enthousiasmes :

« A l’heure où la timide aurore sourit à l’éclat du soleil, j’entends une voix douce comme le murmure d’un ruisseau qui me­ dit : « Va, cours adorer le divin Créateur de toutes choses » ; au même instant, je sens mon âme sous la forme humaine, mais d’une substance aérienne, parcourir des climats charmants, ombragés d’arbres magnifiques, portant des pommes d’or suspendues aux feuillages ct couverts de fleurs et de fruits succulents. Les plaines étaient arrosées par mille ruisseaux roulant leurs eaux argentées dans un fleuve majestueux, que je reconnus pour être le Gange. Mon âme s’est plongée trois fois dans ces ondes azurées et elle n’en est sortie que pour savourer le parfum des fleurs : bientôt au milieu d’une forêt d’une vaste étendue, je vois deux blanches colombes, tenant une couronne suspendue sur un autel magnifique, orné de festons et environné de lierre rampant dans un désordre fantastique ; une figure divine, représentant le disque du soleil, paraissait au-dessus de cet autel ; des rayons lumineux sortaient de cette tête céleste, et dardaient sur mon âme prosternée ; j’adorai l’unique, l’incomparable auteur de la création universelle. » (18)

Quelles idées cette poésie recouvre-t-elle ? Elles restent volontairement assez floues. Les magnétiseurs spiritualistes, à cette date, se veulent catholiques, et ne se risquent guère à formuler un système. Il leur suffit d’affirmer que les « bons anges » guident leurs somnambules, et même, si l’Église condamnait cette opinion, un Billot se soumettrait. Liée avec un philosophe aussi « tolérant » que Fortia d’Urban, pour qui « les discussions purement théologiques » n’ont pas d’intérêt, « la morale de toutes les religions étant nécessairement la même » (19), Mme d’Eldir précise cette morale frugale et vertueuse (20). Çà et là, ses propres ouvrages offrent des traces de ses fréquentations occultistes : « Le magnétisme, susurre­t-elle avec Gence, est une émanation du Créateur » (21) ; la magie emplit la terre et les cieux : « Tous ces mondes éclatants de lumière magniflquement suspendus à nos regards, la rosée, le calme d’un beau jour, le printemps qui renaît, le chant harmonieux des oiseaux, le parfum des fleurs, le zéphir [p. 41] caressant, la foudre qui éclate : tout est magique » (23). Elle nous décrira Dieu comme 4: un soleil d’une incommensurable étendue » (c’est une notion swedenborgienne qui fera fortune chez les magnétiseurs), et reconnaît trois parties en lui : essence, esprit, lumière ; elle mentionne la préexistence des âmes et leur chute dans la matière (23). Quant à Billot, lui aussi fréquente quelques illuminés, tels les martinistes napolitains (24), et en lit d’autres, Martin de Gallardon, la sœur de la Nativité ; lui aussi formule une sorte de pan-magnétisme, et ramène aux phénomènes qui lui sont chers les réminiscences, les pressentiments, « l’état des prophètes, celui des pythonisses, celui des extatiques dans toutes les religions » (25 ), et jusqu’à la mission de Jeanne d’Arc ; lui aussi voit l’univers plein d’une lumière magnétique qui jaillit du trône de la Divinité : « Toute la création nous en est imprégnée, elle nage, pour ainsi dire, dans cet océan de vie et de lumière ; et c’est notre soleil qui, semblable à un miroir, réfléchit spécialement sur notre globe ce fluide lumineux. Il est, par conséquent… le principal ministre de Dieu sur notre planète » (26). Ce pan-magnétisme, cette vénération presque sabéiste du soleil, demeureront caractéristiques de la doctrine ; elle s’étoffera bien davantage, en se diversifiant, lorsque, après 1840. elle prendra tout son essor.

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III

Un nom domine cette époque : le baron Du Potet. Grâce à lui, « le magnétisme se présente avec une recrudescence et des affirmations nouvelles » (27). C’en est fait de la prudence où se tenait Deleuze : Du Potet a été son élève, celui de Puységur et de l’abbé Faria, mais, in petto, il les juge timorés : « Ils plantèrent leurs jalons, soutinrent le magnétisme avec persévérance et courage ; on ne peut leur demander plus qu’ils ne pouvaient produire (28). » Maintenant les circonstances ont changé. Ce qui se murmurait se dit impunément ; ce qui était l’affaire d’initiés se répand grâce à la technique [p. 42] d’une propagande savante. Du Potet, qui a relativement peu d’idées, qui surtout veut ménager tout le monde, est un organisateur de premier ordre. En 1845, il lance le Journal du magnétisme ; un cours public suivra, et des congrès, et des banquets, et des fêtes où l’on décerne des médailles. Le maître saisit chaque occasion de se montrer. Il prendra part, en septembre 1845, au congrès scientifique de Reims ; en novembre de la même année, un de ses collaborateurs présente un mémoire à l’Académie du Gard ; et des somnambules s’exhibent dans les salons, et l’on circonvient des littérateurs, et l’on donne à leurs moindres politesses une énorme publicité. Certains d’entre eux, flattés, se laissent faire ; d’autres s’intéressent vraiment à ces curieux phénomènes qu’ils peuvent exploiter dans leurs écrits ; si bien que les magnétiseurs arrivent à mettre en vedette quantité de personnages connus.

Voici Lamartine, vates, au sens propre, affirme le Journal du magnétisme, qui reproduit son entretien avec lady Esther Stanhope (29). Voici Balzac, « le premier qui, parmi les littérateurs contemporains, osa se prononcer énergiquement en faveur des faits mesmériens » (30), Balzac, « intime » du magnétiseur Delaage (31) et ami, puis époux de Mme Hanska, que du Potet a magnétisée à Saint-Pétersbourg (32). Non seulement on exploite son Livre mystique et son Introduction à la Comédie humaine, mais une fois mort, on évoquera son ombre (33). Voici Théophile Gautier, le futur auteur de Spirite : il assiste à une séance d’extase avec accompagnement de musique, et la relate dans la Presse. En voici quantité d’autres : Émile de Girardin ouvre largement ce même journal, la Presse, aux curiosités magnétiques ; Alexandre Dumas, qui croit aux esprits frappeurs, utilise, dans Joseph Balsamo, ses rapports avec le somnambule Alexis (34) ; Alphonse Karr fait aussi des [p. 43] expériences avec Alexis (35) ; Paul Féval suit les cours de Du Potet (36) ; Émile Deschamps, après avoir narré des faits de télévision, plaide en faveur du merveilleux (37). Grands ou petits, il faudrait citer, pèle-mêle, la plupart des écrivains contemporains : Scribe, Jules Janin, Édouard Soulié, George Sand, Théodore de Banville, Arsène Houssaye, Philoxène Boyer, Jules Sandeau, Gérard de Nerval, Baudelaire ; le magnétisme s’accrédite si bien qu’un jour Lacordaire, en pleine chaire de Notre-Dame, en voudra tirer un argument :

« …Je crois donc fortement aux faits magnétiques. Eh bien, oui, je crois qu’il y a des faits ; je crois que la force magnétique augmente prodigieusement la force de vision de l’homme : je crois que ces faits sont constatés par un certain nombre d’hommes très sincères et très chrétiens. Je crois que la généralité de ces faits sont des faits naturels, que, par conséquent, il faut en tenir compte, et que jamais l’homme n’a manqué de la connaissance de ces secrets. Je crois que ce que nous avons vu dans le fond du paganisme, à part la supercherie qui était manifeste, je crois que la magie et tant d’autres choses étaient tout simplement fondées sur la force magnétique.

Eh bien, oui, par une protestation divine contre les formules de la science, qui date d’Adam, Dieu a voulu que cette force existât pour montrer au matérialisme qu’en dehors de la foi, il y a cependant sur la terre des restes de la puissance adamique, des restes du paradis terrestre qui marquent la puissance de notre âme et prouvent qu’elle n’est pas tout à fait courbée sous le joug, qu’il y a quelque chose au delà de la mort. » (38)

Ce sermon vient à son heure : en présence d’une telle offensive, maint ecclésiastique fronçait le sourcil. L’abbé Frère, historien et philosophe mystique, en contestait l’orthodoxie ; le P. Hilarion T’issot, en 1847, fondait contre elle son Journal de médecine théologique ; en 1852, à Lyon, le chanoine Barricaut lui consacrait un cours hostile. A ces noms les magnétiseurs [p. 44] pouvaient opposer l’abbé Loubert et sa Défense théologique du maqnétisme, ou l’abbé Almignana, auxiliaire de l’église des Batignolles, qui savait farcir ses plaidoyers de citations éplscopales (39) : auxiliaires assez compromettants ; l’abbé Loubert finira par jeter le froc aux orties, et l’autre, chassé d’Espagne, son pays natal, après l’insurrection de 1821, manquait tout à fait d’autorité. Les suspicions croîtront avec le temps. Il suffirait d’ouvrir les livres des magnétiseurs pour y glaner des textes malsonnants. Ils n’aiment pas le frein de la raison, non, mais guère davantage celui du dogme ; comme les illuminés du XVIIIe siècle, ils font front de deux côtés : « Nous connaissons la morale des médecins, et celle des Jésuites nous est suspecte (40). » Quelques-uns d’entre eux vont plus loin, contestant l’authenticité de la Vulgate (41), proclamant qu’ « au monde spirituel la liberté des cultes règne » (42), accaparant le Christ en le rabaissant au niveau d’un « magnétiseur divin » (43) ; ils tâtonnent à la recherche d’une foi nouvelle ; ceux qui restent vraiment chrétiens sont rares.

Un seul, parmi les magnétiseurs de cette époque, se propose un but apologétique : c’est Henri Delaage, petit-fils de Chaptal, catholique, franc-maçon, et guéri du doute par l’occultisme :

« Fils puni de ces époques sans foi où les hommes, le visage sombre, l’œil fixé sur la terre, errent çà et là sans souci de leurs destinées immortelles, j’ai senti sur mon âme le mal infini du doute. Blessé d’une vic que l’esprit de ce siècle fatal avait faite sans idéal, j’ai demandé la lumière aux sciences occultes; tête baissée, je me suis précipité dans cc gouffre béant pour y trouver le baume de l’espérance, et j’y ai trouvé la foi ardente de l’apôtre. » (44). [p. 45]

Delaage connaît Lacordaire, qui lui est bienveillant, et cette bienveillance l’encourage à prendre « pour boussole l’Évangile, pour carte routière la Révélation » (45). Le magnétisme constitue à ses yeux une preuve de la religion (46) ; il permet de réfuter Dupuis sur son propre terrain (57), et de renouer avec la tradition, en désavouant les erreurs modernes, Réforme, paganisme de la Renaissance, Industrtalisme (48). Cette tradition, les sociétés secrètes la perpétuaient depuis l’antiquité: elle sourdait à travers les âges, des mystères orientaux jusqu’aux alchimistes, aux Roses-Croix, et à la première franc­ maçonnerie. Pourquoi les loges du XIXe siècle s’en sont-elles éloignées ? Elles lui serviraient encore de véhicule tout indiqué, si seulement elles voulaient se régénérer comme Delaage le leur propose.

Ne nous étonnons pas. Ce dessein, n’était-ce pas celui des frères qui convoquèrent, en 1782, le congrès de Wilhelmsbad, celui de Joseph de Maistre lorsqu’il adressait au duc de Brunswick son mémoire sur la franc-maçonnerie ? Depuis, sans doute, les circonstances avaient bien changé. A la mode jadis, le mysticisme ne tourmentait plus guère la moyenne des francs-maçons. Ils pouvaient cependant se laisser prendre à l’attrait d’une pseudo-science. Le « frère » Duplanty présidait une société de magnétiseur (49) ; l’historiographe de la secte, Ragon, aurait voulu consacrer au mesmérisme une maçonnerie occulte créée pour le servir (50). Comme Delaage, le « mage » Eliphas Lévi, un peu plus tard, tentera sa chance, et se fera initier : on ne sait jamais… Mais de telles manœuvres sont désormais vouées à l’échec. Quelques mois suffisent à détromper Eliphas Lévi (51) ; Delaage, fort de son affiliation aux Cœurs-Unis, aura beau s’enthousiasmer en proposant de « rendre l’esprit… à la lettre morte de la franc-maçonnerie », il aura beau en publier les mérites, car « faire [p. 46] connaître la franc-maçonnerte, c’est la défendre » (52 ): ses divulgations servent de prétexte à le condamner, après un débat houleux et malgré l’intervention, en sa faveur, de Ragon et de quelques autres (53).

Sa philosophie se ramène à celle du pan-magnétisme. Elle regarde les passes comme une sorte de sacrement. « Magnétiser, c’est émettre l’Esprit-Saint, dont, selon saint Paul, nos membres sont le temple, en l’âme préparée de la somnambule, afin d’en ouvrir les yeux à vue infinie sur le domaine du temps et de l’espaces (54) ». Au même principe se rattache la magie des anciens, leurs oracles, ceux des sibylles, qui « ne sont rien d’autre que nos somnambules lucides » (55), ou dans un autre domaine, la fascination qu’exercent la femme et aussi le serpent (56), ou bien enfin les sciences occultes, cartomancie, chiromancie, onéiromancie, phrénologie, physiognomonie… Exercez votre âme : elle « peut, en échappant à l’esclavage des sens, transpercer de ses rayons lumineux le temps, l’espace, pénétrer les corps opaques et les mystères les plus secrets de la nature » (57). Vues hardies, sur lesquelles d’autres magnétiseurs renchériront, assimilant à leur art, avec Petit d’Ormoy, les rites catholiques (58), avec Du Potet, toutes les passions humaines (59). « Tenez-vous bien prévenus, conclut leur journal : bientôt on lira dans vos cœurs, et, morts ou vivants, vous ne pourrez vous cacher (60).

Le reste, chez Delaage, vient des occultistes ; mais, soucieux d’orthodoxie, il écarte en partie Swedenborg, ce « géant de génie qui a illuminé l’avenir du monde philosophique » (61), [p. 47] et il combat tout à fait les illuminés révolutionnaires, soit Jean Reynaud, soit même Esquiros qui fut son maître. Il choisit, dans I’Illumînisme, ce que certains Pères de l’Église ratifient : notre matérialisation, consécutive à la faute originelle (62) ; la destination première de notre âme, « ange intérieur créé par Dieu pour remplir un des sièges célestes demeurés vacants par la chute et l’apostasie des anges déchus, et divinement infuse au corps de l’homme » (63) ; notre triple vie (idée martiniste et boehmiste) ; la dissolution, à la mort, de notre « partie humaine, mortelle et terrestre », que remplace simplement une partie céleste, sans toucher à « l’essence vitale » ni à l’âme proprement dite : « Ce sera la même âme animant la même chair, revêtue en plus d’un vêtement d’Immortalltée (64) ». Delaage attend le millénaire, le septième jour de la grande semaine (65) ; il décrit notre existence glorieuse, d’après saint Anselme, et retrace la hiérarchie des anges d’après Denys l’Aréopagite ; son érudition théologique lui aide ainsi à trouver des garants

Tous n’ont pas ces scrupules, ni cette connaissance du dogme, et les magnétiseurs incarnent à peu près toutes les nuances de la pensée. A leur méthode, qui seule les rapproche, chacun rattache, pour son compte, ses idées personnelles. Quelques thèmes coïncident : d’abord le vieux fonds transmis par Deleuze, l’existence du fluide, son pouvoir guérisseur, l’unité de la nature ; puis, très souvent, la croyance aux esprits et l’assurance que bientôt Ia religion se démontrera scientifiquement. C’est ce mélange équivoque d’empirisme et de surnaturel qui peut attirer un public mêlé, tout en rebutant à la fois les savants authentiques et les chrétiens instruits. Plus d’énigmes, affirment certains somnambules : par exemple, « rien n’est plus simple que le mystère de la Sainte Trinité » (66). D’autres, au contraire, pourfendent les démons, avec un vocabulaire renouvelé de la sorcellerie et des aveux qui nous laissent inquiets sur leur état mental :

J’avais sept ans quand un ange des ténèbres se rendit visible à mes yeux pour la première foi… [puis, après avoir été obsédé de ma seizième à ma vingtième année] j’eus une fièvre cérébrale [p. 48] des plus fortes, mais la grâce du Seigneur secondant le talent de feu M. Broussais père, et bénissant les soins que je recevais… j’échappai à la mort et je recouvrai la santé. Je ne jouis pas longtemps de ce bonheur, car mes implacables ennemis reparurent, et bientôt mon existence ne fut plus qu’une longue agonie sans fin ; enfin, je ne sortis de cet horrible état que par le secours de la Mère du Sauveur et par celui d’autres amis de Dieu.

Je me rappelle que dans le cours de ma fièvre cérébrale, je fus une fois près de quitter tout à fait mon corps, et qu’à cet instant deux anges déchus arrivèrent avec la vitesse qui leur est ordinaire, mais près de moi ils s’arrêtèrent court à la voix de mon ange gardien qui leur cria : Voyage inutile, et l’espérance me reste !

Aujourd’hui, les rôles sont changés, et c’est moi qui, par la grâce, provoque et attaque mes anciens ennemis, qui n’ignorent pas que j’implore du Sauveur une place dans l’Armée sainte qui doit dans un temps combattre tout l’enfer réuni ; donc, à ce jour­ là mes visiteurs (67) !

Il s’agit ici d’un faiseur de boniments, qui offre à tout venant, gratis, sa « méthode curative concernant l’hypocondrie » et qui, devant les badauds, pose en défenseur de la foi (68). Comme Delaage — mais avec infiniment moins de lec­ture — il représente, si l’on peut dire, la branche catholique du magnétisme. Un J.-A. Gentil s’en éloigne, pour retrouver ce culte solaire, dont Billot ou Mme d’Eldir offrent les premiers linéaments. Mais Billot restait chrétien;; Gentil s’exprime en panthéiste. Non seulement il reconnaît « l’unité de substance universelle » mais Dieu, pour lui, « est la substance inconcrète qui crée toutes choses en concrétant, sous tel aspect qu’il lui plaît, telle ou telle partie de lui-même » (69), et le soleil, s’il ne s’identifie avec Dieu, lui sert au moins d’intermédiaire :

« La substance universelle étant lumière, chaleur, intelligence, et convaincu que je suis que la lumière ou la chaleur portent en elles l’intelligence qui s’attache à tout genre de vie, je me demande d’où émanent pour nous la lumière et la chaleur. Je cherche tout autour de moi, je cherche, je cherche… et ne trouve que le soleil. Alors je me dis : le soleil donc est-il Dieu ? ou bien Dieu, se te­ nant dans une région infiniment plus élevée, le soleil ne serait-il qu’un objectif perméable aux rayons divins, lequel tourné vers notre planète, ainsi que d’autres soleils tournés vers d’autres [p. 49] planètes, radierait sur elle la lumière vive qu’il recevrait de plus haut que où il se trouve ? Le Soleil, ainsi apprécié, n’en devrait pas moins, pour nous et par nous sur cette terre, être considéré comme le premier et tout à la fois le plus puissant représentant de Dieu : conséquemment, ce serait toujours vers lui qu’il nous faudrait principalement tourner nos hommages pour arriver à Dieu même par voie d’aspiration (70). »

Un Chardel, plus swedenborgien, a des considérations analogues : « la vie est un composé de la lumière » (71) ; elle nous vient du soleil, et la chaleur ou l’opacité viennent de la terre. Les âmes — Chardel s’occupe surtout des âmes —, ont toutes été créées simultanément ; fatiguées, un beau jour, d’une existence purement spirituelle, « elles se précipitent vers une organisation nouvelle, et disparaissent dans les flots de la vie au moment de la conception « (72). Des souvenirs, qu’elles gardent « en puissance » facilitent leurs rapports avec l’autre monde dans la transe somnambulique.

Chardel, Gentil, s’ils contredisent le dogme, n’en disent pas grand’chose : d’autres l’attaquent. Après les catholiques, après les swedenborgiens, voici venir des fouriéristes. Joseph Olivier, magnétiseur à Toulouse, répudie toute religion, sauf la religion naturelle, et toute morale, sauf celle des passions ; il ne sait rien de plus beau que la Comtesse de Rudolstadt, par George Sand ; et ses somnambules lui confirment à l’envi les théories de l’école sociétaire. Division ternaire de l’homme — corps, âme, esprit — distinction entre la matière brute et la matière essentielle, nous retrouverons par ailleurs chez lui Ies idées favorites de ses congénères. « Quand le monde sera fini, il restera l’esprit ; la matière aura disparu, il ne restera que la matière réelle, et cette matière sera spiritualisée (73) ».

Un Cahagnet, enfin, représente l’espèce la plus triviale de magnétisme. Peu lu (sa dernière publication ne recueillera jamais plus de dix abonnés) (74,) déconsidéré à cause de ses [p. 50] énormes bourdes (75), combattu par Delaage, par Hébert de Garnay et par Du Potet lui-même, malgré des sympathies initiales (76), il a pourtant ses amis, et I’assernblée magnétique, en 1851, lui décerne une médaille de bronzer (77). Comme Swedenborg, sur lequel il prend modèle, Cahagnet nous promène dans les cieux. Il s’inspire de lectures péniblement faites et mal digérées dans Chardel, Olivier, le docteur Charpignon (78), puis des écrivains, Balzac, Nodier, Justinus Kerner et sa Lucide de Prévorst, Restif de la Bretonne et ses Posthumes « attribuées à Cazotte ». On retrouve chez lui I’anticléricalisme, la croyance à la magie, aux obsessions, aux communications surnaturelles, bref la plupart des idées régnantes : Dieu se montre sous l’aspect d’un soleil, sa nature est lumière (79) ; l’univers est fait d’une substance unique (80) ; les planètes, la terre, « grand corps collectif » (81), sont animés, des « myriades d’intelligences (82) nous entourent ; « une foule d’agents intelligents » (83) s’agitent en nous-mêmes ; tombés ici-bas dans un état d’épreuves (84), nous nous grouperons après la mort en sociétés », d’après nos sympathies, et nous nous purifierons lentement dans un paradis que Du Potet juge à bon droit « commun, blafard et nuageux » (85)… [p.51]

VIATTESPIRITISME0003-

IV

L’offensive des magnétiseurs porte ses fruits. « C’est à qui veut parler magie, mysticisme, Kabbale (86) ». Patronnés par le beau monde, les lucides font de bonnes affaires et, si la police intervient, ils crient à la « Saint-Barthélemy (87). Que peuvent là contre les tenants du magnétisme médical ? « Prévisions, divinations de l’avenir, visions au loin, prophéties politiques, révélations sur les âmes des morts, apparitions des esprits, religions nouvelles, tel est, écrit le docteur Charpignon, l’idéal de la voie dans laquelle certains esprits ont jeté le magnétisme. Route ténébreuse, remplie d’illusions mélangées cependant de réalités saisissantes (88). » Avertissements inutiles : la vague emporte tout. « Comme une religion, s’exclame-t-on, le mesmérisme a ses missionnaires actifs, ses zélés propagateurs, dont rien n’arrête l’ardeur prosélytique, et qui semblent être choisis par Dieu pour faire connaître au monde les vérités utiles (89) ». Et Du Potet célèbre le retour à la foi, suite logique de ses expériences :

La religion, cette fille du ciel qui trouva tant d’interprètes, et qui ne put jamais par des arguments nouveaux soumettre la raison des sceptiques entêtés, va s’épurer au flambeau nouveau, Dieu ne sera plus mis en doute…

O source intarissable de méditations ! Gloire à vous, mon Dieu, car j’ai pu un instant, arrêtant ma pensée, sentir par mon âme, et découvrir en moi ce feu dont la source est divine et l’essence immatértelle (90).

L’heure est fatidique. A l’ancien Testament, règne de la puissance, au Nouveau, règne de l’amour, va succéder « le règne de l’esprit qui assure la foi en l’appuyant sur la science » (91). Une Église naît, parmi les frémissements et les acclamations : [p. 52]

Que partout se forme, comme à Troyes, une Église mesmérienne : que des missionnaires, par vous députés, aillent, forts de leur conscience et de Ieur foi, arborer dans chaque département, la bannière sous laquelle nous marchons, et bientôt le mesmérisme aura ses temples et ses autels.

Oh ! qu’elle serait belle cette religion dont les ministres seraient les bienfaiteurs de I’humanité…

Hâtons-nous donc, Messieurs, d’établir sur les débris des religions qui s’écroulent, le grand culte du Dieu des humains. Son temple est la nature, les cœurs sont ses autels, et l’harmonie des êtres est la prière qui monte jusqu’à lui (92).

Ainsi, vers 1850, les esprits sont tout préparés, dans certains milieux, à la « révélation spirite ». Cette religion scientifique, qui « ralliera toutes les branches dispersées de la famille humaine » (93), et dont on attend la fusion des croyances, des Académies et des peuples, les illuminés du XVIIIe siècle la pressentaient déjà ; ceux de l’âge suivant s’y attachen davantage à mesure que croît le prestige de la science expérimentale. Et ses données concrètes apparaissent l’une après l’autre : corps astral, communications avec les défunts, tables tournantes même, les spirites n’auront qu’à puiser dans ce pré-spiritisme les caractéristiques de leur doctrine.

« Nous ne venons pas proclamer l’immortalité de l’âme, mais l’immortalité de I’homme (94), proclame Delaage. A la notion cartésienne du pur esprit, il oppose une sorte de vitalisme qui associe étroitement l’esprit à la matière. L’âme ne peut survivre isolément parce que l’âme et le corps sont une même substance. Ou plutôt, il y a l’esprit, il y a la matière brute qui disparaît avec le trépas, mais entre eux, il y a un intermédiaire; Boehme et Saint-Martin, nous l’avons dit, reconnaissaient déjà cette triple vie de I’homme. Cet interrnédiaire s’identifie avec le fluide, avec l’od, comme le chevalier de Reichenbach propose de le baptiser (95) ; c’est la vie spiritualisée, écrivait Chardel en 1844, et elle enveloppe l’âme, qu’elle suit à la mort (96) ; c’est « un corps impalpable mais pourtant réel », affirmait en 1842 Boucher de Perthes, pour qui cette « forme survivante » se compose « de la substance de l’âme [p. 53] tout entière et d’une petite portion de l’élément local » (97). Corps impalpable ; vie spiritualisée ; corps éther-aromal, disait Fourier, longtemps auparavant (98) : il ne manque que Ie mot d’astral, et ce mot. lui-même figure chez Du Potet, qui, citant les anciens théosophes, fait de l’esprit astral la base de toutes choses (99) .

Les communications avec les morts ? Mais nous en avons rencontré la croyance chez presque tous les magnétiseurs spiritualistes. Pour un Loisson de Guinaumont, qui les nie (100), combien d’autres, les Delaage, les Olivier, les Cahagnet, en font la base de leur système ! et combien — tel Du Potet, sinon Deleuze — gardent une neutralité favorable ! Aussi bien cette croyance tient-elle à l’essentiel de la cosmologie magnétique. Pour les mesmériens, l’univers forme une harmonie, une chaîne d’êtres, et les chaînes communiquent entre elles. Les morts ne font que passer au chaînon suivant ; ils s’éloignent insensiblement (101) ; nous pouvons longtemps les voir en songe, les interroger pendant ces instants d’extase spontanée où notre propre âme se sépare momentanément du corps ; dans les heures qui suivent immédiatement le trépas, nous pouvons même davantage, et, selon Du Potet, « sans faire positivement revenir à la vie le cadavre, l’âme peut encore en agiter l’enveloppe, non à la voix d’un ami, d’une femme bien aimée, mais, à la suite d’une sorte d’évocation » (102).

Ce ne sont pas là les tables tournantes. Mais cette pratique même — la seule innovation du spiritisme — a pu germer [p. 54] de procédés utilisés par les magnétiseurs. Laissons là les évocations d’esprits faites par les somnambules, ou celles aux­ quelles se livraient, vingt ans auparavant, les milieux swedenborgiensrs ; elles leur sont communes avec l’occultisme de tous les temps. Tenons-nous-en aux faits caractéristiques. En 1825, Billot magnétise la jambe atrophiée d’un malade, et cette jambe lui répond par des mouvements signifiant oui ou non (103), En 1846, à La Perrière (Orne), Angélique Cottin, dite « la jeune fille électrique », fait tourner véritablement des guéridons ; ils entrent en danse à son contact, sans qu’elle le veuille ; mise en observation par la Faculté, elle perd ses propriétés, qu’elle retrouve en rentrant ; « dans son genre de vie habituel » ; sur elle les feuilletonistes font de l’esprit, et les magnétiseurs de l’éloquence ; la Femme électrique, jouée au Palais-Royal, la porte en scène ; « grâce au ridicule dont la couverte la presse parisienne, l’univers en a retenti » (104). Associer un tel ordre d’expériences avec celles qu’on attribue au monde surnaturel voilà sans doute l’unique invention des Américains en cette matière.

VIATTESPIRITISME0005

V

Veut-on des dates ? l’aventure de la petite Collin remonte à janvier 1846, et c’est le 31 mars 1847 que se produisent, dans la famille Fox, les premiers phénomènes « spirites ». La coïncidence n’est pas due au hasard. D’autant moins que les Etats-Unis entretenaient des foyers très actifs de magnétisme. Entre eux et la France, la Nouvelle-Orléans servait d’intermédiaire, et Du Potet y avait un correspondant fort zélé, le docteur Barthet. Ailleurs, des swedenborgiens, comme en France, associaient leur doctrine aux pratiques mesmériennes. En 1848, on traduisait les Arcanes de la vie future, de Cahagnet. Auparavant même, tout un mouvement d’idées s’organisait et trouvait sa répercussion littéraire avec Edgar Poe, que le Journal du magnétisme, le premier, traduisait en français. Mais, au pays des revivais, un mouvement de cette nature se transforme vite en secte; la secte se répand [p. 55] grâce à des méthodes commerciales : elle fonde son journal, à New-York, le Télégraphe spirituel, et elle part en guerre, tout en gardant, dans les contrées anglo-saxonnes, ce titre de spiritualiste qui désignait auparavant une aile des magnétiseurs.

Ceux-ci ne s’y trompent pas. Ils se plaignent qu’on les démarque, et même certains d’entre eux prétendent avoir inauguré, dès 1850, les procédés de leurs concurrents (106). Mais l’impulsion vient désormais d’outre-mer. On en suit les effets à la trace. En juin 1852, le Journal du magnétisme constate l’essor du spiritisme en Amérique, et, cette même année, il apparaît en Angleterre, où il convertira, l’année suivante, le socialiste Robert Owen. En janvier 1853, un voyageur fait tourner des tables à Brême (107) ; fin avril, l’« épidémie se répand à Strasbourgsa : en mai, elle atteint Paris. « C’est, pour le moment, l’entretien général, l’occupation universelle, la grande, ou pour mieux dire, l’unique affaire (108), écrit l’Union du 10 mai ; d’après certains témoignages, les premières expériences n’auraient eu lieu cependant que le 14 mai, aux bureaux de la Démocratie pacifiques (109). Ce milieu phalanstérien s’y prêtait on ne peut mieux : mais le grand public n’est pas indemne. « On ne s’abordait plus que par ces mots : « Que vous a dit votre table ? » (110). Selon Philoxène Boyer, « les dames de ce siècle en étaient venues à croire au dogme de l’Église par convenance, et aux oracles de leur table par conviction » (111).

Bien entendu, des controverses s’engagent. L’Académie des sciences, examinant les nouveaux phénomènes, se prononce négativement (112) ; à l’Académie des sciences morales et politiques, Eudes de Mirville lit un mémoire qui les attribue au démon (113). Certains ecclésiastiques, néanmoins, commencent [p. 56] par les défendre, et y voient la manifestation authentique des morts (115) l’autorité religieuse les désavouera. Quant aux magnétiseurs, leurs avis divergent. Plusieurs flairent la concurrence, et polémisent (116). Pour d’autres, c’est le fluide humain qui agit sur les tables(117) ; elles nous répondent selon nos désirs (117) ; notre propre pensée les anime, et de là vient leur bêtise coutumière, aussi bien que leurs divinations occasionnelles (118). Pour d’autres encores — tel Du Potet — tout s’explique par « la force émanant de ln foi que chacun porte en soi » (119). Ou, s’il faut parler d’esprits, « ce sont des esprits aussi espiègles qu’ignorants et parfois orgueilleux « ; ils ne valent pas les somnambules, et nous devons nous en méfier, car « ces Esprits trompeurs aiment à semer l’erreur sur nos études » (120). Ainsi s’exprime Cahagnet, et c’est aussi ce qu’affirme un correspondant du Journal du magnétisme :

On se fait une trop haute idée des esprits ; il n’y a pas plus de différence. entre eux et nous, qu’entre la chenille et le papillon… Le papillon n’a pas plus d’intelligence que la chenille… il voit un peu plus loin. Son rayon s’est agrandi, il sait quelque chose de plus qu’à l’état de chenille ; c’est exactement la différence qu’il y a entre l’esprit incarné et l’esprit désincarné. Quant à connaître l’avenir et Dieu, les esprits en sont aux conjectures comme nous…

Il y a réellement des esprits qui nous inspirent ; tous les poètes anciens commençaient par les invoquer sous le nom d’Apollon et des Muses : preuve qu’ils avaient plus de confiance que nous dans leur existence. Socrate évoquait son démon et tombait en somnambulisme pour causer avec lui (121).

Malgré ces résistances, la doctrine progresse. Ses caractéristiques définitives, la planchette, l’écriture directe d’outre­tombe, apparaissent dès 1854 (122); seul l’ectoplasme attendra [p. 57] plus longtemps, En 1854 encore, l’Esprit saint des tables animées « identifie le magnétisme avec l’imposition des mains » chez les apôtres ; en 1856 parait un ouvrage intitulé Révélation du sauveur, « dicté en partie par le Christ dans un cercle de Genève (123). Jusqu’ici, « les esprits » se montraient réspectueux des Eglises établies, avec cependant, aux États-Unis protestants, une préférence pour le catholicisme, et, en France, une préférence pour la Réforme (124) ; maintenant ils s’émancipent ; en 1857, la même année où le médium Douglas Hume, au cours d’une tournée triomphale, s’exhibe devant l’Empereur et sa cour à Fontainebleau (125), Allan Kardec publie son Livre des esprits. « Pour les choses nouvelles il faut des mots nouveaux (126), déclare-t-il, et, repoussant du pied le spiritualisme de ses prédécesseurs, il lance le mot de spiritisme.

C’est une rupture avec les magnétiseurs comme avec les chrétiens. Allan Kardec parle haut. Il s’arroge une mission inédite. « Les esprits annoncent que les temps marqués par la Providence pour une manifestation universelle sont arrivée, et qu’étant les ministres de Dieu et les organes de sa volonté, leur mission est d’instruire et d’éclairer les hommes en ouvrant une nouvelle ère pour la régénération de l’humanité (127). Sans doute retrouverons-nous ailleurs presque toutes les idées qu’il proclame. Lui-même, à l’occasion, fait l’éloge des crisiaques du XVIIIe siècle, ou de Swedenborg ; d’autres nommeront Oberlin, Saint-Martin, voire Joseph de Maistre et Ballanche (128). Son fluide vital équivaut à celui des magnétiseurs ; son périsprit, « intermédiaire entre l’esprit et la matière », résulte d’une notion lentement élaborée ; s’il admet un monde spirituel, avec lequel nous communiquons en songe, s’il croit en des réincarnations successives de nos âmes sous forme humaine, s’il ajoute son couplet à ceux de ses contemporains sur le progrès indéfini, rien de tout cela n’est bien neuf ; s’il refuse de confondre Dieu et la matière, s’il nie la métempsycose descendante, c’est un point de vue entre vingt autres que les écoles antérieures discutaient ; il prévoit même certaines objections, et, comme Du Potet (129), comme, [p. 58] Cahagnet, comme les illuminés et les Roses-Croix d’autrefois, il distingue parmi les esprits des esprits mauvais, neutres, ou des esprits « follets » — lutins, farfadets — qui peuvent tromper leurs auditeurs (130). Rien de neuf, sauf le ton : mais ce ton dogmatique, ralliant les indécis, frappe à mort l’ancienne école.

En vain ses tenants, bousculés, essaient de parer les coups : ils se sentent vieillis ; quelques-uns meurent, Laforgue, Aubin Gauthier, l’abbé Almignana ; d’autres, ainsi Clever de Maldigny, passent dans le camp adverse avec armes et bagages.

Du Potet mène le dernier carré. En 1856, il transforme la direction de son Journal, et lui assigne pour but l’étude impartiale des phénomènes spirites ; il dépêche en Amérique, pour les mieux examiner, « un de nos honorables collègues, homme de mérite et de sens. Son vieil ami Barthet, à la Nouvelle-Orléans, n’a-t-il pas fondé une école rivale, qui admet les tables tournantes mais nie les réincarnations ? Du Potet serait tout à fait disposé à ce genre de compromis. Mais il se débat inutilement. La Reuue spirite, que fonde son rival, étouffe ses sœurs mortes-nées (131), et lui râfle ses lecteurs. Les magnétiseurs essaient du sarcasme : « Tout le monde se rappelle la vogue prodigieuse des tables tournantes : pendant deux ans, on pouvait croire que toutes les têtes allaient tourner vers les tables… Puis tout ce bruit s’est apaisé ; l’attention s’est tournée d’un autre côté (132)… Ils essaient de la diplomatie, en proposant une commission d’enquête, et de l’indignation, lorsque cette offre est éconduite (132) ; ils déploient des efforts prodigieux, en pure perte ; on ne les écoute plus, Allan Kardec accapare l’attention, et en 1867, faute d’argent, leur Journal termine son existence. Les magnétiseurs sont vaincus par les spirites.

Auguste VIATTE,
docteur ès lettres

 

NOTES

(1) René GUÉNON, l’Erreur spirite (1923), p. 19. Sauf indication contraire, tous les ouvrages cités sont édités à Paris.

(2) DELEUZE, Lettre à l’auteur d’un ouvrage intitulé : Superstitions et prestiges des philosophes (1818), p. 51.

(3) CHARDEL, Psychologie physiologique, p. 341.

(4) Hébert de GARNAY, d’après Cahagnet, Encyclopédie magnétique spiritualiste, t. 1 (1855), p. 31. On voit que ce rationalisme persiste jusqu’au bout à côté des systèmes spiritualistes.

(5) Lettre reproduite par BILLOT dans ses Recherches psychologiques (1839) ; t. I, p. 102.

(6) Lettre du 6 octobre 1831, dans BILLOT, t. Il, p. 17-18.

(7) DELEUZE, Lettre à l’auteur d’un ouvrage intitulé : Superstitions et prestiges des philosophes (1818), p. 8-9.

(8) Lisle de 1783, publiée dans le Journal du magnétisme, t. XI.

(9) Lettre du 17 octobre 1807 (Bibl. du Muséum d’histoire naturelle, ms. 1941).

(10 ) GENCE, Vérité du magnétisme prouvée par les faits (1829), p. 51.

(11) Journal du magnétisme, t. IX (1850), p. 51.

(12) CHENEAU, Troisième Alliance, p. 203.

(14) Affirmations commentées par CHARPIGNON, Magnétisme (1841), p. 314. 315.

(15) Voir, outre les auteurs cités plus bas, LOISSON DE GUINAUMONT, Somnoloqie magnétique (1841), p. 188, 201, 318, 319 ; RICARD, Traité théorique et pratique du magnétisme animal (1841), p. 279 et suiv. : la Presse, 22 septembre 1838 (article du Dr Garcin, reproduit dans BILLOT, Recherches psychologiques, t. Il, p. 316). En 1823, le futur swedenborgien Oegger mentionnait déjà les voyages que les somnambules accomplissent en esprit dans la lune et dans les astres (OEGGER, Traité philosophique sur la nature de l’âme, p. 138).

(16) Expériences antérieures à 1830. rapportées par CAHAGNET, Magie magnétique, p. 248.

(17) BILLOT, Recherches psychologiques (1839), t. I, p. 118. Son groupe s’est formé vers 1824. Voir sur lui le ms. 1941 du Muséum d’histoire naturelle.

(18) Mme d’ELDIR, Méditations en prose, par une dame indienne (1828), p. 55-56.

(19) FORTIA D’URBAN, Discours sur la morale universelle (prononcé en 1781, publié en 1840), p. 6 et 7.

(20) Cf. ses Méditations, p. 154.

(21) GENCE, Vérité du magnétisme prouvée par les faits (1829), p. 82.

(22) Mme d’ELDIR, Méditations, p. 6.

(23) Mme d’ELDlR, Méditations en prose, p. 154.

(24) D’après CHACORNAC, Eliphas Lévi, p. 205, note.

(25) BILLOT, Recherches psychologiques, t. l, p. 135. C’est d’ailleurs l’opinion de Deleuze, dont Billot ne fait que reproduire ici une lettre datée du 17 octobre 1830.

(26) BILLOT, Recherches psychologiques, t. l, p. 204, 205.

(27) Article de Matter dans le Journal du magnétisme (1848), t. VII. p. 49.

(28) DU POTET, la Magie dévoilée (1852), p. 23.

(29) Journal du magnétisme, t. VI (1847), p. 217.

(30) Journal du magnétisme, t. X (1-851). p. 59-60.

(31) Journal du magnétisme, t. XV (1856), p. 145.

(32) Voici comment il raconte cette expérience dans son Voyage à Saint-Pétersbourg : « Mme la comtesse ***, femme impressionnable, magnétiquement parlant, M. de Balzac vous a distinguée entre toutes les femmes en vous dédiant un de ses plus charmants feuilletons. Vous voilà sur la fatale sellette : chacun vous regarde et sourit, car les singuliers effets magnétiques que vous éprouvez ne peuvent s’expliquer et on les met en doute. Je n’abuserai pas de mon pouvoir, ne craignez rien ; cependant de vous sortirait ce que je cherche à montrer : cette assemblée en est-elle digne ? Je ne le crois pas et je cesse de poursuivre » (Journal du magnétisme, t. 1 (1845), p. 344).

(33) Expériences de Mme Octavie Passelieu de Vary (Journal du magnétisme, t. XIV (1855), p. 526 ; t. XV (1856), p. 74).

(34) Lettre du 5 septembre 1847, reproduite par le Journal du magnétisme, t. V, p. 146.

(35) DELAAGE, Monde occulte (1851), p. 162.

(36) Journal du magnétisme, 1. XIV (1855), p. 167.

(37) « Quoi ! le monde physique est encombré d’impénétrables mystères, et on ne voudrait pas que le monde intellectuel, que la vie de l’âme, qui tiennent déjà du miracle, eussent aussi leurs phénomènes et leurs mystères ! pourquoi telle bonne pensée, telle fervente prière, tel mauvais désir, n’auraient-ils pas la puissance de produire ou d’appeler certains événements, des bénédictions ou des catastrophes, comme le gland produit le chêne, comme les fleurs attirent la rosée, comme l’aiguille aimantée attire le tonnerre ? pourquoi n’existerait-il point des causes morales, comme il existe des causes phystques dont on ne se rend pas compte ? » ÉmiJe DESCHAMPS, Mon fantastique, reproduit par le Journal du magnétisme, t. V (1847), p. 236-237).

(38) Sermon du 6 décembre 1846, reproduit dans le Journal du magnétisme, t. III, p. 328-329, et dans l’Introduction du ,Monde occulte de Delaage (1851).

(39) Voir ses articles dans le Journal du magnétisme, t. V (1847), p. 43, 173-184. Il se réclame de Mgr Bouvier, de Mgr Gousset et de Mgr de Bonald.

(40) Journal du magnétisme, t. III, p. 17.

(41) Aubin GAUTHIER, Histoire du somnambulisme chez tous les peuples (1842).

(42) Journal du magnétisme, t. IV (1847), p. 322.

(43) OLIVIER, Traité de magnétisme (1849), p. 165. CAHAGNET, Révélations d’outre-tombe (1856), p. 158. « Saint Paul, ce grand magnétiseur, messieurs ! » s’exclamait pareillement Durand (de Rodez) en son discours au banquet mesmérien, le 23 mai 1851. Contre ces assimilations, l’abbé Almignana s’élève (le Christ qualifié de magnétiseur par la synagogue et l’incrédulité modernes. (Paris-Batignolles, 1849). Delaage proteste aussi, et déclare, à plusieurs reprises, sa foi dans la divinité du Christ, qui transcende infiniment le magnétisme (Initiation aux mystères du magnétisme (1847), p. 47; le Monde occulte (1851), p. 85; etc.) ,

(44) DELAAGE, introduction à Lassaignc, Mémoires d’un magnétiseur (1851), p. 7.

(45) DELAAGE, Perfectionnement physique de la race humaine (1850, p. 7.

(46) Il faut des miracles, déclare-t-il, pour rallumer la foi dans l’âme des peuples, et non les dissertations ennuyeuses d’une métaphysique obscure » (DELAAGE, le Monde occulte (1851), p. 22.)

(47) DELAAGE, Mystères des sociétés secrètes (1852), p. 20.

(48) Cf. son Perfectionnement physique de la race, p. 93, 100, 102′.

(49) Cf. DELAAGE, le Monde occulte (1851), p. 53.

(50) RAGON, Orthodoxie maçonnique (1853), p. 513. c Excellent ouvrage, écrit le Journal du magnétisme en parlant de ce livre. Le magnétisme, selon Ragon, est à base panthéistique : « Dieu ne peut, faire ni souffrir le néant. parce que Dieu ne peut cesser d’être. Il est tout, il est la toute puissance, l’intelligence universelle qui crée, anime tout. L’univers visible, dont il est le génie conducteur et conservateur, est Dieu manifesté » (Orthodoxie maçonnique, p. 464).

(51) Voir sur cet épisode CHACORNAC, Eliphas Lévi (Paris, 1926), p. 191- 201.

(52) DELAAGE, Mystères des sociétés secrètes, p. 133.

(53) Cf. DELAAGE, Monde prophétique (1853), p. 116.

(54) DELAAGE, Mystères des sociétés secrètes, p. 143-144.

(55) DELAAGE, Introduction aux mystères du magnétisme (1847), p. 3.

(56) DELAAGE, Monde prophétique (1″853), p. 06-57.

(57) DELAAGE, le Sang du Christ (1849), p. 43 ; Monde prophétique (1853), passim.

(58) Articles de Petit d’Ormoy dans le Journal du magnétisme, t. XV, (1855).

(59) « Rapports secrets des Ames, doux sentiments, mutuelle sympathie, d’où venez-vous ? Qui dit à l’un ce que l’autre pense ? Pourquoi la douleur et la tristesse sont-elles si communicatives ? Mais quel est le démon qui souffle en nous la colère et la vengeance, et qui, dans un instant, brise et rompt les liens qui s’étaient établis ? Ah ! nous sommes les jouets d’intelligences invisibles ! notre corps est comme une hôtellerie où des milliers de voyageurs séjournent ou s’arrêtent un instant : tout est tapage au logis, la nuit même il n’y a aucun repos ; l’un éveille l’autre, nous prenons fait et cause pour celui-ci ou celle-là ; nous sommes frappés, mourants, ou nous donnons la mort » (DU POTET, Magie dévoilée (1852), p. 261.

(60) Journal du magnétisme, t. Il, p. 24-25.

(61) DELAAGE, Ressuscités au ciel et dans l’enfer (1855), p. 25.

(62) DELUGE, Éternité dévoilée (1854), p. 51.

(63) DELAAGE, ouvr. cité, p. 128.

(64) DELAAGE, ouvr. cité, p. 79.

(65) DELAAGE, Perfectionnement physique de la race humaine (1850), page 148.

(66) LOISSON DE GUiINAUMONT, Somnologie magnétique, p. 72 (écrit en 1840, publié cn 1846).

(67) BACHELET, Habitants du monde invisible (1850), p. 197-198, note.

(68) « Et vous! âme de l’illustre Chateaubriand, s’exclame-t-il, veuillez prier notre Dieu de m’accorder seulement l’ombre de votre génie et de me mettre à l’égal de vos vertus, et je vous jure de faire tous mes efforts pour vous imiter comme soldat du Christ ! ! ! » (BACHELET, Habitante du monde invisible, p. 292-293).

(69) J.-A. GENTIL, Magnétisme, somnambulisme (1853), p. 13.

(70) J.-A. GENTIL, Initiation aux mystères secrets de la théorie et de la pratique du magnétisme (1849), p. 56-57.

(71) CHARDEL, Psychologie physiologique (1844), p. 247. Chardel, conseiller à la Cour de cassation, ancien député de Paris, avait donné en 1831 une première édition de son ouvrage. Elle n’est pas à la Bibliothèque nationale.

(72) CHARDEL, ouvr. cité, p. 375.

(73) Paroles d’un somnambule, dans OLIVIER, Traité de magnétisme (1844), p. 234.

(74) Voir ses aveux. dans son Encyclopédie magnétique spiritualiste t. VII (1861), p. 1.

(75) Un de ses somnambules, en 1854, lui annonce que Sébastopol ne sera pas pris ; un autre, en 1861, lui prédit que sept ans plus tard la France retrouvera sa liberté. et que la guerre civile américaine sera finie en mars, etc.

(76) Incohérente production… œuvre très dangereuse » prononce DELAAGE (Ressuscités sur la terre et dans le ciel (1855), p. 203) ; écrits « non moins contraires à la morale qu’à la religion » écrit HÉBERT DE GARNAY (Journal du magnétisme, t. XI, p. 79, 9 juin 1850) ; Du Potct voit tout d’abord dans ces œuvres « un pas vers l’inconnu » tout en faisant ses réserves, mais bientôt les juge comme « une élucubration qui n’aura pas même le mérite d’exciter une controverse » (Ibid., t. VII, p. 93 (1-848); et t. VIII, p. 27 (10 janvier 1849).

(77) Séance du 30 mai 1851 (cf. Journal du magnétisme, 1854, p. 343).

(78) Médecin à Orléans, Charpignon avait publié en 1841 un ouvrage intitulé Magnétisme.

(79) CAHAGNET, Sanctuaire du spiritualisme, 1850, p. 13. « Le soleil que vous voyez, dira Cahagnet dans ses Arcanes de la vie future, est le Dieu du ciel ct de la terre… Les esprits n’en connaissent pas d’autre, et Dieu n’a jamais été vu sous d’autres formes. (Arcanes, p. 189).

(80) Cf. notamment son Encyclopédie magnétique spiritualiste, t. VII (1861). p. 104.

(81) CAHAGNET, Révélaiions d’outre-tombe (1856), p. 165.

(82) CAHAGNET, Du traitement des maladies (1851), p. 101.

(83)La formule est de Du Potet (Journal du magnétisme, t. XIII, p. 33 (1854). Mais Cahagnet avait développé la même idée, plus longuement, dans son Sanctuaire du spiritualisme (1850), p. 92, et dans son livre Du traitement des maladies (1851), p. 101.

(84) Les Ames, nous dit Cahagnet, « vivaient béatifiquement, au milieu de l’œuvre et de la grandeur de Dieu, sans se rendre compte de leur bonheur, ni de l’harmonie de cette œuvre. C’est pour le faire mieux apprécier que Dieu les a envoyées sur la terre, où la privation et la comparaison complètent leur intelligence, vu qu’elles ne pouvaient se rendre compte du beau sans le laid, du bon sans le mauvais, et de la joie sans les pleurs… » (CAHAGNET, Révélatiotis d’outre-tombe (1851), p. 94-95.)

(85) Le ciel, dit Cahagnet est un « état progressif » (Révélations d’outre-tombe, p. 95) ; et il nie l’enfer (Arcanes de la vie future dévoilées (1841), t. l, p. 7.

(86) CAHAGNET, Magie magnétique (1854), p. 21.

(87) On les poursuit en 1850, pour exercice illégal de la médecine (Jour­ nal du magnétisme, t. XI, p. 511).

(88) Journal du magnétisme, 1. XI, p. 329 (juin 1850).

(89) Discours de Mac Sbeehy à la première séance mensuelle du Jury magnétique (1849) (Journal du magnétisme, 1. VII).

(90) Discours de Du Potet au banquet mesmérien, 23 mai 1849 (Journal du magnétisme, 1. VII, p. 307).

(91) CHARDEL, Psychologie physiologique (1844), p. 325.

(92) Discours de Mme Bullé, de Troyes, à la fête de Mesmer, le 15 avril 1850 Journal du magnétisme, t. XI, p. 286-287).

(93) MONGRUEL, Manifeste inséré dans le Journal du magnétisme, t. XI, p. 437 (1850).

(94) DELAAGE, Ressuscités au ciel et dans l’enfer (1855), p. 55.

(95) Chevalier de REICHENBACH, Lettres odiques-magnétiques (Vienne, 1852), traduites par Cahagnet en 1853. Eliphas Lévi ratifiera la notion d’od, dans son Histoire de la magie (1860). p. 19, et dans son Grand Arcane (1868), p. 11.

(96) CHAI\DEL, Psychologie physiologique (1844), p. 159.

(97) BOUCHER DE PERTHES, De la création (1842), t. IV, p. 288. Boucher de Perthes n’est pas lui-même un magnétiseur, mais il s’en réfère quelquefois à Deleuze (Cf. De la création, t. III, p. 411). .

(98) FOURIER, Théorie de l’unité universelle (1823), dans ses Œuvres (1844), t , Il, p. 191. Voir aussi les théories de l’abbé Turlot en 1810. « L’âme revêtue de cette substance éthérée est une miniature parfaite de la figure humaine… La mort, qui n’est autre chose que la destruction ou le dépouillement de son enveloppe corporelle, donne à cette miniature la faculté de s’étendre. et de représenter, sous une forme presque aérienne, le même ensemble susceptible des mêmes sensations et par conséquent des mêmes pensées qui doivent former sa mémoire, sa conscience et sa personnalité » (TURLOT, Études sur la théorie de l’avenir, t. Il, p. 290-291).

(99) DU POTET, Magie dévoilée (1852), p. 170. Au XVIIIe siècle, chez Saint-Martin ou Dutoit-Membrini, le mot d’astral désigne une sorte d’influence préter-naturelle et trompeuse.

(100) LOISSON DE GUINAUMONT, Somnologie maqnétique (1846), p. 299.

(101) Article de Charles RENARD dans le Journal du magnétisme, t, 1. p. 513-S15 (1er octobre 1845). Renard, futur coltaborateur de Cahagnet, subit, comme lui, l’influence swedenborgienne.

(102) DU POTET, Magie dévoilée (1852). p. 279.

(103) Voir par exemple OEGGER, Dictionnaire de la langue de la nature (1831), p. 10. A Nantes, dès novembre 1834, les magnétiseurs swedenborgiens prétendent entrer en relations avec les défunts ; leurs voyantes décrivent le ciel, « salle azurée et sans fin et du monde à l’infini qui viennent de tous les côtés », et l’enfer, « beaucoup de têtes d’hommes qui brûlent, on voit le feu dans leurs os et au travers » (GARDEY, Recueil sur le magnétisme, t. 1, p. 139, ms. de la Bibliothèque de Nantes).

(104) BILLOT, Recherches psychologique. (1839), t. I, p. 62.

(105) Journal du magnétisme, t. Il, p. 286. Voir sur l’histoire d’Angélique Collin les tomes II et III de ee journal.

(106) Ainsi Guldenstubbé, qui affirme avoir fait ces expériences avec l’abbé Châtel (GULDENSTUBBÉ, Réalité des esprits (1857), p. 64).

(107) F. SILAS, Introduction explicative des tables tournantes (1853), p. 7.

(108) Journal du magnétisme, t. XII, p. 203.

(109) Cité par le Journal du magnétisme, t. XII, ». 228. L’Union est un autre organe de magnétiseurs.

(110) Victor HENNEQUIN, Religion (1854), p. 463. ERDAN, France mystique, t. I, p. 75. Y a-t-il contradiction entre ces dates ? On a pu s’entretenir de tables tournantes avant de passer aux expériences concrètes ; le numéro du 10 mai a pu paraître avec du retard ; et ces expériences ont pu commencer, indëpendamment les unes des autres, en plusieurs endroits. A quelques jours près, peu nous importe.

(111) DEBAY, Histoire des sciences occultes (1860), p. 509.

(112) Cité par DELUGE, les Ressuscités sur la terre et dans le ciel, p. 208.

(113) Séance du 5 juillet 1854.

(114) Eudes de M***, Des Esprits, mémoire à l’Académie des sciences morales et politiques, 1853.

(115) CARION, Lettres sur l’évocation des esprits (1854) ; ALMIGNANA, Du somnambulisme, des tables tournantes et des médiums (1855). Censuré­ par son évêque, l’abbé Carion se soumettra ; l’abbé Almignana mourra bientôt, en 1857.

(116) BARAGNON, Étude du magnétisme animal (Toulouse, 1853).

(117) Agénor de GASPARIN, les Tables tournantes (1854) : DELEUZE, Éternité dévoilée (1854), p. 35.

(118) J.-A. GENTIL, Magnétisme, somnambulisme (1853), t. Il, p. 240.

(119) DELAAGE, Éternité dévoilée (1854), p. 215-219.        .

(120) Journal du magnétisme, t. XIII (1854), p. 463. Du Potet, tout en protestant de son orthodoxie, blâme les censures religieuses contre le spiritisme.

(121) CAHAGNET, Encyclopédie magnétique spiritualiste, t. III (1858), p.; 194.

(122) Journal du magétisme, t. XIV (1855), p. 656.

(123) Guldenstubbé indique la date du 13 août 1856 ; mais, deux ans auparavant, Victor Hennequin pratiquait déjà l’écriture involontaire, qu’attribuait à « l’Âme de la terre », non aux « esprits ».

(124) Journal du maqnétisme, t. XIV, p. 24 ; CAHAGNET, Encyclopédie magnétique spiritualiste, t. Il, p. 225.

(125) CAHAGNET, Encyclopédie magnétique spiritualiste, t. 1 (1854), p. 194-197 ; et t. l, p. 233 (séance de spiritisme à Angers, juin 1854).

(126) Cf. les Mémoires de Douglas HUME, le Journal du magnétisme, et les articles de Paul d’Ivoi dans L’Estafette, 2 juin, 7 et 14 juillet 1857.

(127) ALLAN KARDEC, Livre des esprits (1857), p. 1.

(128) ALLAN KARDEC, Livre des esprits, p. 29.

(129) ALLAN KARDEC, Livre des esprits, p. 78-79 ; ERDAN, France mystique (l855) t. l, p. 66 ; GULDENSTUBBÉ, Réalité des esprits (1857), p. 31.

(130) Cf. Du POTET, Magie dévoilée, p. 275.

(131) ALLAN KARDEC, Livre des esprits, p. 48.

(132) Journal du magnétisme, t. XV, p. 376.         .

(133) Le Journal de l’âme (Genève, 1856); la Revue des sciences occultes et naturelles (1857); la Revue spiritualiste de Pierrard (1859). La Reuue spirite est de 1857.

(134) Journal du magnétisme, t. XVIII (1359), p. 583.

(135) Journal du magnétisme, t. XVIII, p. 167.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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