André Desson. Psychanalyse, caractère général de la poésie et de la psychologie d’aujourd’hui. Extrait de « Le Disque vert. Freud et la psychanalyse », (Bruxelles), deuxième Année — 3me série. Numéro Spécial. Bruxelles, 1924, pp. 152-162.

André Desson. Psychanalyse, caractère général de la poésie et de la psychologie d’aujourd’hui. Extrait de « Le Disque vert. Freud et la psychanalyse », (Bruxelles), deuxième Année — 3me série. Numéro Spécial. Bruxelles, 1924, pp. 152-162.

 

André Desson ( (?) –    ). Homme de lettre, fondateur avec son ami Louis Gardet (nom de plume André Hairlaire), la revue Accords, dans laquelle ils se disent disciples d’André Gide. Signataire de la pétition qui réclamait la levée de la sanction qui condamnait André Malraux  de la prison dans l’affaire des statues de Pnom-Penh
Quelques publications :
— Le Choeur muassade. Paris, Simon Kra, 1926. 1 vol.
— L’Homme concret/. 1937.
— Paul Claudel.

[p. 152]

LA PSYCHANALYSE, CARACTÈRE GÉNÉRAL DE LA POÉSIE
ET DE LA PSYCHOLOGIE D’AUJOURD’HUI
.

Je ne crois pas à une influence directe de Freud sur la littérature. Si cette influence s’exerça parfois directement, ce fut pour donner des œuvres fabriquées, sans ampleur, sans vérité ni portée profondes. Il n’y a pas d’influences voulues — ou bien elles sont néfastes. Qu’on m’entende bien : je ne condamne pas la hâte de l’esprit qui se tend avec avidité vers toutes les nourritures, mais l’utilisation habile et opportune des modes.

Je ne puis songer à entreprendre une démonstration de détail. Aussi bien serait-elle un peu inutile. Quand il n’y a qu’à comparer, qu’à réfléchir… Je me bornerai à cette constatation : la méthode et les travaux de Freud n’ont été connus du public cultivé (j’y comprends les écrivains) — du moins dans les pays de langue française — que bien après les premières manifestations de la psychanalyse.

De la psychanalyse? Voilà qui peut surprendre… C’est ici qu’il convient peut-être de substituer aux définitions trop spéciales qu’on a jusqu’à présent données de ce mot une définition san8 doute peu complète, mais essentielle et centrale, de caractère nettement psychologique et philosophique. Et je me garde bien d’oublier que, pour Freud, la psychanalyse est éminemment ‘un procédé de traitement médical de personnes atteintes de maladies nerveuses (1) » (et son traducteur, le Dr Jankelewitch précise : « Freud est, avant tout, un névrothérapeute, et ce sont des préoccupations thérapeutiques, c’est-à-dire purement utilitaires qui ont servi de point de départ à ses théories (2) »). Mais, justement, la psychanalyse déborde [p. 153] l’œuvre de Freud comme le cartésianisme (ou mieux encore : la méthode cartésienne) déborde l’œuvre de Descartes. Ce sent les individus qui créent les modes. Mais, quel que soit leur génie, un mouvement profond les dé- passe toujours. Quoique il puisse répugner aux esprits puérilement exacts, la psychanalyse doit être considérée désormais comme une méthode originale (mais non, au fond, tellement neuve…) d’analyse. Ceci pour nous en tenir au domaine strictement psychologique. Mais, peut-être, faudrait-il s’élever à un point de vue plus général encore, plus désintéressé, et y voir une manière imprévue d’envisager l’esprit, une attitude nouvelle prise devant le moi (3) ; attitude en principe opposée à l’attitude de la psychologie traditionnelle. Et lorsque nous nous arrêtons à une définition si proprement psychologique, voire si largement philosophique, notre pensée s’écarte-t-elle tellement de la pensée de Freud ? Sans doute, Freud est d’abord un médecin, mieux qu’un médecin, un guérisseur. Il demeure un thérapeute. Mais si, parti d’une thérapeutique empirique (somme toute), il a abouti à une thérapeutique consciente, à une méthode précise de traitement, [p. 154] n’est-ce pas moins en passant par des considérations théoriques sur le contenu psychique de l’être, que grâce à une attitude originale adoptée envers la personnalité du malade — cette attitude précisément que je tiens pour l’essence, pour le noyau de la psychanalyse ? Ainsi, dans la chaîne chronologique (mieux : dans la chaîne causale) des faits, la psychanalyse, manière nouvelle d’envisager le moci, précède la méthode psychanalytique de traitement. Loin d’en sortir, de la légitimer après coup, elle lui permet d’exister ; plus encore : elle la détermine. Le premier chapitre de l’Introduction à la Psychanalyse, où on lit notamment ceci : « La psychanalyse veut donner à la psychiatrie la base psychologique qui lui manque (4) », nous donne toutes les confirmations désirables sur ce point. Aussi avons-nous le droit de substituer à toute définition partielle ou spéciale, et même à une définition globale (5) une définition nettement générale et d’application immédiatement psychologique. Au reste, si on tient absolument à être complet, à ne laisser échapper aucun des aspects réels ou virtuels de l’objet, on peut reprendre la définition de Jules Romains en la hiérarchisant, en la « centrant ». Au lieu de dire « la psychanalyse est à la fois une méthode d’investigation… ; une théorie écologique des névroses… », on dira : « la psychanalyse est [p. 155] essentiellement une conception originale du moi, une attitude nouvelle… dont on a pu tirer une méthode d’investigation… »

Mais, me demandera-t-on, en quoi consiste cette attitude, quelle est -elle ? Nous nous sommes occupés de la forme de la définition qu’il est bon, je crois, de donner désormais de la psychanalyse ; la matière est en dehors de notre sujet. Elle dépasse les limites naturelles de cette étude. Et, d’ailleurs, ne la déduira-t-on pas aisément de ce qu’en sait ou de ce qu’on peut facilement apprendre des travaux de Freud ? On ne s’est proposé ici de rien découvrir ni de rien enseigner. Mais partant d’un certain nombre de données admises, on s’est simplement efforce d’apporter dans la confusion qu’elles présentaient quelque ordre et quelque clarté. Je me contenterai de rappeler que cette attitude nouvelle, Jacques Rivière l’a caractérisée à merveille lorsqu’il a dit de la psychologie de Proust qu’« elle est fondée sur la défiance envers le moi » (6). Et la métaphore du visage composé — due à [p. 156] Jules Romains — je la trouve trop admirable peur oser la reprendre à mon compte (7).

Or, cette attitude nouvelle, fruit et essence de la psychanalyse, me paraît être le caractère général de la poésie et de la psycbclogie d’aujourd’hui, l’aspect essentiel de la littérature contemporaine. C’est à examiner attentivement les œuvres d’art qu’on voit le mieux combien la psychanalyse déborde les travaux et la doctrine de Freud. Et pour la plupart, pour Tune surtout, l’œuvre de Maeterlinck, il est absolument impossible de parler d’influence. Je crois qu’il serait facile de montrer (comme) [p. 157] on le fera quelque jour, documents en main), que Dada est né et s’est développé en dehors de la zone d’action du savant viennois (8). Qu’ensuite, la « découverte » des méthodes freudiennes, venant légitimer cette nouvelle manière d’envisager la personnalité et de sentir, Tait consolidée, assujettie, affermie… qu’elle ait donné au mouvement poétique et psychologique moderne une nouvelle impulsion, violente et décisive, qu’elle l’ait amené à prendre conscience de ses tendances et à les préciser, rien d’étonnant. Mais en ne peut dire qu’elle l’ait engendré.

Je n’irai pas cueillir mes preuves au hasard. Je me contenterai d’exploiter quelques terrains particulièrement féconds, quelques filons d’une exceptionnelle richesse. Aussi bien ne sont-ce pas les seuls qui comptent ? Le secours des autres me serait bien faible. Et n’est-ce pas à eux toujours qu’il en faudrait venir pour faire belle moisson ?

Deux œuvres surtout sont capables de récompenser nos efforts : celui de Maeterlinck — qui apparaît véritablement comme un précurseur — et celui, plus récent, de Proust; enfin, un mouvement, non moins récent et fort curieux, dont le succès me permet de ne le pas définir, ni de le dénommer autrement qu’il ne s’est défini et dénommé lui-même : Dada. Ces trois écrivains (considérons Dada comme un écrivain particulier, puisque, ainsi que nous le verrons plus loin, ce que nous pouvons envisager de lui c’est moins, à proprement parler, lui-même — c’est- à-dire son essence — que les œuvres souvent intéressantes, parfois géniales, auxquelles il a abouti; — œuvres qu’un certain nombre de caractères communs permettent d’étudier ensemble — , ces trois écrivains, pour être révélateurs d’une même attitude, n’en sont pas moins profondément dissemblables. Ils affirment une conception identique du [p. 158]moi, mais c’est pour en tirer parti diversement, et, pourrait-on dire, sur des plans différente.

A la Recherche du Tempe perdu (9) est éminemment l’œuvre d’un psychologue. Proust ne s’occupe pas lyrique ment de lui-même. Sa vie intérieure, son âme ne sont pas en jeu. Il ne conclut de pacte ni avec Satan ni avec Dieu. Il donne à ses personnages une existence objective. S’il se met en scène lui-même, c’est en qualité de témoin ; mais cela ne l’empêche pas de s’objectiver au même titre que ses héros. Le processus proustien est très proche de l’interprétation psychanalytique des actes manqués (résultats de l’interférence, de l’opposition de deux intentions différentes, dont l’une est consciente, l’autre inconscient et refoulée). Proust essaie de saisir quelques traits du visage à travers les contractions, les compositions plus ou moins adroites du masque. Il parvient à capter des tendances, les desseins cachés en étudiant la manière dont l’inconscient influe sur le cours de la pensée inconsciente, — ainsi l’astronome Le verrier découvrit l’existence et le cours de Neptune en observant qu’une force inconnue influait sur la marche des autres planètes — et les rêves (réalisations symboliques de certains désirs refoulés). Proust se comporte, en somme, envers ses personnages comme le médecin psychanalyste avec ses malades. Son attitude est seulement plus contemplative, plus désintéressée. Il cherche pour le plaisir de découvrir, non en vue de fins pratiques. Du moins, ne les prévoit-il pas, si elles existent (Proust, à propos d’observations particulières, ne fait-il pas d’importantes découvertes générales dont la psychologie devra désormais tenir compte?) Et je ne [p. 159] parle pas des transformations radicales qu’il fait subir à la technique du roman. Proust se défie de ses personnages. Il sait qu’ils cherchent à dissimuler leur moi profond, leur moi véritable. Maïs son attitude objective lui défend de les confesser. Il ne peut leur appliquer des méthodes comme les associations d’idées libres — provocation d’états de détente — et l’interrogatoire (bien entendu ceci demeure une image, mais bien proche de la réalité. L’écart entre les deux termes de la comparaison est minime). Aussi utilise-t-il les gestes réflexes, inconscients ou à demi -conscients, les lapsus, les oublis, les pertes d’objets, tous les actes qui sont la manifestation mal- adroite et plus ou moins symbolique d’une activité inconsciente trop grande en regard de ce qu’en laisse passer — sous une forme déguisée — la censure.

Tout autre est la position de Dada. Si on compare Proust (et ceux qui reprennent sa méthode) au médecin psychanalyste, il faut bien assimiler Dada au patient. Dada, lui, est poète, non romancier (même lorsqu’il écrit des romans (10). Pur de cœur, lyrique (11). Non observateur, non savant, si on me permet des approximations aussi grossières. C’est sa propre vie qui est en jeu. Il cherche à s’exprimer profondément, en dehors de toute contrainte  et de toute convention sociale (il rejette même celle du langage) et à exprimer Dieu — dont le très-intime, de lui-même n’est qu’une parcelle, mais une parcelle qui, hostie, le contient tout entier. La méthode est différente, mais l’attitude demeure la même. C’est toujours la conception du moi composé. Comme autrefois on se [p. 160] méfiait de l’inconscient (on le connaissait si mal), Dada se méfie de la conscience, du masque, de tout ce qui n’est pas proprement l’individu, mais se trouve imposé par la contrainte sociale qui crée la censure. Je l’ai dit : le langage même lui est suspect. Il l’utilise, puisqu’il ne peut faire autrement, mais il s’in- génie à lui faire perdre son caractère social. Dada se  sert de celle des deux voies d’investigation psychanalytique que Proust est bien obligé de négliger : les associations d’idées libres. Proust, en effet, ne peut étudier les tendances profondes de l’individu, ses tropismes sentimentaux, son moi véridique qu’à travers les interstices de la conscience. Dada, lui, supprime toute logique, toute composition et se met en rapport directement avec l’inconscient. Et, chose curieuse, c’est la méthode subjective de Dada qui présente le caractère le plus scientifique, le plus expérimental. Car ici, l’esprit, c’est-à-dire le conscient, est passif, il se soumet à une réalité qu’il faut bien, si paradoxale que cela puisse paraître, appeler extérieure, ou indépendante. L’interprétation des actes manques est, au contraire, une chose extrêmement délicate, qui relève, ne craignons pas de le dire, plus de l’art que de la science, plus de l’intuition individuelle que de la recherche patiente des lois.

De l’œuvre de Maeterlinck (12), on peut dire — grossièrement — qu’elle met concurremment en œuvre les deux séries de méthodes : objective (Proust) et subjective (Dada). Maeterlinck, comme Proust, crée bien des personnages différents de lui (et même chez lui, ce lien qui relie observateur à observés, toujours apparent chez Proust, on peut dire qu’il le dissimule, qu’il le supprime ; l’objectivation est plus parfaite, mais les moins sincères de ces personnages sont d’une effrayante sincérité envers eux-mêmes. Cela ne veut pas dire qu’ils lisent dans leur [p. 161] inconscient avec la facilité, qui caractérise les pantins mécaniques d’un Bourget ou d’un Bazin. Et c’est ici que les deux méthodes, objective et subjective, se rejoignent. L’œuvre de Maeterlinck rend visible le point de rencontre de la méthode de Proust et de la méthode de Dada, de même que le rêve rend visible le point de rencontre de la méthode psychanalytique de l’interprétation des actes manqués et de la méthode des associations libres. Allons même plus loin : les deux méthodes sont identiques. Leurs différences sont toutes matérielles, toutes extérieures. Dans les deux cas, il y a une réalité cachée à découvrir. Dans les deux cas, elle setraduit de façon symbolique et demande, par suite, une interprétation. La seule différence est que dans le cas des associations libres, la prise est plus facile, plus rapide, presque immédiate. Dans l’autre cas, on n’a pas seulement à lutter contre la censure inconsciente qui ne permet aux désirs refoulés que de se manifester d’une façon détournée, symbolique, mais contre la volonté du sujet qui s’efforce de nous imposer une image fausse de lui-même. Dans les deux cas, le visage est composé, mais il l’est plus ou moins. Lorsqu’il y a acte manqué, le sujet ment ; lorsqu’il y a association d’idées libres (ou rêve) il ne ment plus, mais il n’avoue que d’une manière détournée. Ainsi, le sujet compose de moins en moins son visage lorsqu’on va de l’acte manqué au rêve. Puisque, ainsi qu’on le voit, une interprétation est toujours nécessaire, les méthodes de la psychanalyse ne sont jamais rigoureusement scientifiques. Tout au plus peut-on dire que l’interprétation des rêves ou des associations est plus sûre que celle des actes manqués, puisque, la part de la dissimulation étant moins grande, les chances d’erreur sont réduites considérablement.

Les personnages de Maeterlinck se cherchent avec intensité dans une atmosphère de songe. Certes, ils ne voient pas plus clair en eux-mêmes que l’homme qui [p. 162] rêve (et, naturellement, pas plus que le rêveur n’essaie, à son réveil, d’interpréter son rêve, ils ne tentent de trouver la signification profonde des présages qu’ils rencontrent, ni de deviner le sens des suggestions de l’ambiance où ils vivent), mais, au moins, ne cherchent-ils pas à tromper les autres et à se tromper eux-mêmes. Car, pour eux, la contrainte sociale n’existe pour ainsi dire pas. Devant un drame de Maeterlinck, en n’a jamais l’impression qu’il existe une société. Et pourquoi y en aurait-il une ? Les personnages, dans cette œuvre, n’ont pas de besoins matériels. Ils ne boivent, ni ne mangent. L’amour même n’y paraît que sous la forme la plus épurée, la plus divine (on voit comme nous sommes loin de certaines œuvres, inspirées directement de Freud). Ils se suffisent pleinement à eux-mêmes. La vie qu’ils mènent est uniquement sentimentale. Ils essaient de débrouiller l’écheveau confus de leur destinée (ici, le refoulement étant presqu’inexistant, on a très simplement : destinée = action des complexes) de trouver leur chemin dans la forêt sombre. Certaines pièces même ne sont rien que l’image de cette recherche : L‘Oiseau bleu, Les Aveugles, Ariane et Barbr-Bleue… Aussi, l’œuvre de Maeterlinck nous apporte-t-elle autre chose que l’application intégrale encore qu’inconsciente des méthodes psychanalytiques : la représentation symbolique d’une humanité dans ce qu’elle a de plus profond, c’est-à-dire à la fois de plus divin et de plus individuel. Et c’est ce qui fait par-dessus tout le charme de cette poésie tiède, bain d’ombre et de soleil d’où jamais on ne voudrait sortir.

ANDRÉ DESSON.

Notes

(1) Introduction à la Psychanalyse , p. 25.

(2) Préface à V Introduction, p. 12.

(3) …Non tellement neuve, pouvons-nous nous dire encore… Les deux études se sont plus d’une fois mêlées (on peut dite qu’elles le furent toujours chez les écrivains de génie ; chez un Shakespeare, par exemple), se complétant sans se combattre. Mais c’est la première fois qu’on prend véritablement conscience de l’attitude psychanalytique, qu’on la formule, qu’on l’isole… qu’on l’utilise à l’exclusion de l’autre, et môme en la lui opposant. Nous ne sommes pas très sûrs au reste que cette opposition soit excellente. L’attitude traditionnelle est trop simple, mais l’attitude psychanalytique, si on la réduit à son principe ne l’est guère moins.
Ce à quoi il faudrait parvenir (mais l’œuvre de Proust ne nous présente-t-elle pas déjà une réussite suffisante ?) c’est à une nouvelle combinaison où les deux méthodes entreraient pour une part égale; non plus empiriques et tâtonnantes, mais affermies homogénisées, unifiées, à force de clairvoyance.

(4) Page 31. Voir aussi la préface du Dr Jankelewitch, p. 21 : « De simple méthode de traitement des névroses qu’elle était au début, la psychanalyse aspire au rôle d’une véritable philosophie de la vie psychique, dans toutes ses manifestations normales et anormales, sociales et individuelles ».

(5) C’est, par exemple, la définition impliquée par Jules Romains dans son très clair Aperçu de la Psychanalyse, paru dans le numéro de la Nouvelle Revue Française du 1er janvier 1922 : « En fait, écrit Jules Romains, le mot de psychanalyse se trouve aujourd’hui recouvrir quatre choses solidaires, mais distinctes : une méthode d’investigation propre & déceler le contenu de l’esprit; une théorie otiologique des névroses ; une thérapeutique des névrose ; enfin, une théorie psychologique générale. »

(6) Interview de Jacques Rivière, par Frédéric Lefèvre : Nouvelles-Littéraires, du 1er décembre 1923. Pour l’étude détaillée de cette attitude voir dans la Nouvelle Revue Française, du 1er janvier 1923 (Hommage à Marcel Proust), la troisième et dernière partie de l’article de Jacques Rivière sur Marcel Proust et l’esprit positif, dont j’extrais ces citations caractéristiques : « Proust (c’est aussi ce qui fait la grandeur de Freud) abandonne franchement l’attitude bergsonienne de la confiance envers le moi) et nous ramène à une attitude résolument critique en face du sentiment ». « Proust et Freud inaugurent une nouvelle manière d’interroger la conscience… l’homme intérieur est pour la première fois traité comme un corps sur la composition duquel ne peuvent renseigner que les réactions auxquelles il donne lieu », etc.. etc.. A cette question se rattachent de façon détournée, les problèmes soulevés par M. Ramon Femandez dans son étude : La garantie des sentiments ou les intermittences du cœur, parue dans la Nouvelle Revue Française du 1er avril 1924. Nous pouvons dire, grossièrement, que M. Ramon Fernande» [p. 156] critique, indirectement d’ailleurs, la méthode psychanalytique de Proust lorsqu’elle prétend être plus qu’une méthode : une façon générale de définir le moi. Il l’accuse d’imperfection. « En lisant Proust et en l’admirant je ne puis cependant rien conclure touchant la notion humaine, parce que je n’ai sous yeux qu’une partie restreinte, fixée, étalée de cette nature. Et qu’on ne dise pas qu’elle est ainsi dans le fond et que le reste est illusion, superstructure artificielle : autant prétendre qu’il n’y a de réel dans la statue que la matière dont elle est faite », écrit M. Ramon Fernandez, en terminant son article.

(7) Puisque nous aurons surtout à envisager ici l’application immédiatement psychologique de la psychanalyse, c’est-à-dire à considérer la méthode d’investigation propre & déceler le contenu de l’esprit qui s’en déduit directement, nous pouvons compléter l’affirmation de Jacques Rivière par ces quelques phrases empruntées à l’Aperçu de Jules Romains : « L’observation courante nous met en présence d’un aspect psychologique de l’être humain qui est composé; composé au sens où l’on dit qu’un corps chimique est composé, mais aussi au sens que l’on dit qu’un visage est composé ». Et un peu plus loin nous lisons : « La psychanalyse, avant de considérer le premier sens de le moi est composé (comme un corps chimique), seul sens envisagé par la psychologie traditionnelle, considère le second (composé comme un visage) et s’y attaque ».

(8) Et pour Proust, Jacques Rivière, dans la même interview, affirme qu’il n’avait jamais lu une ligne des ouvrages de Freud.

(9) Pour cette partie, aussi bien que pour tout ce qui va suivre, des citations seraient nécessaires. Mais, comme il faudrait les faire détaillées et, par surcroît, les interpréter, il nous est tout à fait impossible de donner ici autre chose que le schéma d’une étude qui paraîtra prochainement en volume sous ce titre Dada, Proust et Maeterlinck devant la psychanalyse.

(10) Il lui arrive, il est vrai, de se renier soi-même. Mais alors, il n’est plus Dada.

(11) Cette affirmation qui pourra étonner bien des gens et en réjouir immodérément d’autres (ceux qui, confondant romantisme et lyrisme, ne veulent voir en Dada qu’un romantisme pourrissant) sera reprise et développée dans une étude ultérieure : Dada, créateur d’un lyrisme nouveau.

(12) Il ne s’agit ici, naturellement, que de son œuvre d’artiste, de poète, c’est-à-dire de son Théâtre.

 

 

 

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