L’analyse des rêves. Carl Gustav Jung. 1908.

JUNGANALYSEREVES0003Carl Gustav Jung. L’analyse des rêves. Article parut dans l’Année psychologique (Paris), volume 15, 1908, pp. 160-167.

Carl Gustav Jung (1875-1961). Juste noter que ce fut un des premiers disciple de S. Freud et que leurs divergences les mena à la rupture en  1915., après une brouille théorique qui fera l’objet d’une mise en ligne spéciale. Pour le reste nous renvoyons aux nombreuses approches bio-bibliographiques existantes.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé quelques fautes de typographie.
 – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 160]

L’ ANA’LYSE DES RÊVES

En 1900, Sigmund Freud à Vienne a publié un ouvrage volumineux sur l’analyse des rêves. Voici le résultat principal de ses investigations : Le rêve, loin d’être ce mélange d’associations accidentelles et insensées, qu’on le croit ordinairement, ou de se fonder uniquement sur des sensations somatiques durant le sommeil, comme beau­ coup d’auteurs le prétendent, le rêve est un produit autonome et sensé de l’activité mentale accessible à une analyse systématique comme toutes les autres fonctions psychiques. Les sensations organiques pendant le sommeil ne sont pas la cause du rêve, elles ne jouent qu’un rôle secondaire et fournissent seulement des éléments (le matériel) pour le travail psychique. (Voir plus loin.) D’après Freud, le rêve, comme tout produit psychique complexe, est une création, une œuvre qui a ses motifs, ses chaines d’associations antécédentes, et qui de même qu’une action réfléchie résulte d’un raisonnement, de la concurrence et de la victoire d’une tendance sur une autre. Le rêve a une signification comme chacun de nos actes. On m’objectera que, toute la réalité empirique s’oppose à cette théorie; car l’impression d’incohérence et d’obscurité que nous font les rêves est notoire. Freud appelle cette série d’images confuses le contenu manifeste du rêve, c’est la façade derrière laquelle il cherche l’essentiel, c’est-à-dire l’idée du rêve ou le contenu latent. On demandera ce qui autorise Freud à penser que le rêve lui-même soit seulement la façade d’un vaste édifice et qu’il ait réellement une signification ? Cette supposition n’est fondée ni sur un dogme, ni sur une idée a priori, mais seulement sur l’empirisme, à savoir sur l’expérience courante, qu’aucun fait psychique (ni physique) n’est accidentel ; il doit avoir donc son enchainement de causes, il est toujours le produit de phénomènes associatifs compliqués. Car chaque élément mental actuel est toujours la résultante d’états psychiques antérieurs et doit être théoriquement analysable. Freud applique au rêve le même principe que nous employons toujours instinctivement, lorsque nous recherchons les causes des actes humains.

Il se demande tout simplement : pourquoi tel homme rêve-t-il telle chose ? Il doit avoir ses raisons particulières, sinon ce serait [p. 161] un accroc à la loi de causalité. Le rêve d’un enfant est différent de celui d’un adulte, comme le rêve d’un lettré diffère de celui d’un illettré. Le rêve a quelque chose d’individuel ; il est conforme à la disposition psychologique du sujet.

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En quoi consiste la disposition psychologique ? Elle est elle-­même le résultat de notre passé psychique. Notre état mental actuel dépend de notre histoire. Il y a dans le passé de chacun des éléments de valeur différente, qui déterminent la « constellation » psychique. Les événements qui n’éveillent pas d’émotions fortes, influencent peu nos pensées et nos actes, par contre ceux qui pro­voquent de fortes réactions émotives sont d’une grande importance pour le développement psychologique ultérieur. Ces souvenirs à grand coefficient émotionnel forment des complexus d’associations qui ne sont pas seulement de longue durée, mais aussi très puissants et fortement liés. Un objet que je regarde avec peu d’intérêt évoque peu d’associations et disparait bientôt de mon horizon intellectuel. Au contraire, un objet pour lequel j’ai beaucoup d’intérêt évoquera de nombreuses associations et me préoccupera longtemps. Chaque émotion produit un complexus d’associations plus ou moins étendu, que j’ai appelé un « complexus d’associations à coefficient émotionnel ». En étudiant une histoire individuelle, nous trouvons toujours que le « complexus » déploie le plus de force « constellante », et nous en concluons que dans l’analyse nous l’y rencontrerons dès l’abord. Ils forment les principales composantes de la disposition psychologique dans chaque produit psychique. Par exemple dans le rêve nous rencontrons donc les composantes émotionnelles, car il est facile à comprendre que tous les produits de l’activité psychique dépendent avant tout des plus fortes influences « constellantes ».

Il ne faut pas chercher loin pour savoir. quel est le complexus qui force Marguerite (dans Faust) à chanter :

Autrefois un roi de Thulé,
Qui jusqu’au tombeau fut fidèle
Reçut à la mort de sa belle
Une coupe d’or ciselé.

La pensée cachée c’est le doute de la fidélité de Faust. La chanson choisie inconsciemment par Marguerite est ce que nous avons appelé le matériel du rêve qui correspond à la pensée secrète. On peut appliquer cet exemple au rêve et supposer que Marguerite D’ait pas chanté, mais rêvé cette romance (1).

En ce cas, la chanson, c’est-à-dire l’histoire tragique des amours d’un roi lointain d’autrefois est le « contenu manifeste » du rêve, la « façade ». Ne connaissant pas le chagrin secret de Marguerite, personne ne saurait pourquoi elle rêve de ce roi. Mais nous, qui connaissons l’idée du rëoe, l’amour tragique pour Faust, nous comprenons pourquoi le rêve se sert précisément de cette chanson, car il y est question de la rare fidélité du roi. Faust n’est pas fidèle et Marguerite voudrait qu’il lui fût fidèle comme l’était lé roi de la romance. Son rêve ou en réalité, son chant exprime le désir ardent de son âme d’une manière voilée. Et voilà que nous touchons à la vraie nature de nos complexus à coefficient émotionnel : il s’agit toujours de désir et de résistance. Notre vie se dépense en luttes pour la réalisation de nos aspirations ; tous nos actes proviennent du désir qu’une chose se fasse ou ne se fasse pas.

C’est pour cela que nous travaillons, que nous pensons. Si nous ne pouvons pas accomplir un désir en réalité, nous le réalisons au moins dans la fantaisie. Les religions et les systèmes philosophiques de tous les peuples et tous les âges en sont la meilleure preuve. La pensée de l’immortalité, même sous le couvert de la philosophie, n’est autre chose qu’un désir. La philosophie n’en est que la façade, comme la chanson de Marguerite n’est que l’extérieur, un voile bienfaisant étendu sur son chagrin. Son rêve représente le désir accompli. Freud dit que tous les rêves représentent l’accomplissement d’un désir refoulé. En poursuivant notre exemple, nous voyons que dans le rêve Faust est remplacé par le roi. Une transformation a eu lieu. Faust est devenu le vieux roi lointain : la personnalité de Faust qui a un grand coefficient émotionnel est remplacée par une personne légendaire indifférente. Le roi est une association par analogie, un symbole pour Faust, « la belle » pour Marguerite. On se demandera à quoi sert cet arrangement, pourquoi Marguerite rêve-t-elle pour ainsi dire indirectement de cette pensée, pourquoi ne peut-elle pas la concevoir clairement et sans équivoque ? Il est facile de répondre à cette question : le chagrin de Marguerite contient une idée que personne n’aime à approfondir, car elle serait trop douloureuse pour elle. Le doute de la fidélité de Faust est refoulé et supprimé. Il fait sa réapparition sous la forme d’une romance mélancolique, qui malgré la réalisation du désir, n’est pas accompagnée de sentiments agréables pour Marguerite. Freud dit que les désirs qui forment l’idée du rêve ne sont point des désirs qu’on s’avoue ouvertement, mais des désirs refoulés pour leur caractère pénible ; et parce que dans l’état de veille ils sont exclus de la réflexion consciente, ils surgissent indirectement dans les rêves. Ce raisonnement n’a rien de surprenant, si nous examinons l’histoire des saints. On comprend sans difficulté, de quelle nature étaient les sentiments que sainte Catherine de Sienne refoulait et qui reparaissent indirectement dans la vision de ses noces célestes ; et aussi quels sont les désirs qui se manifestent plus ou moins symboliquement dans les visions et tentations des saints. On sait qu’entre les états somnambuliques des [p. 163] hystériques et le rêve normal il y a aussi peu de différence qu’entre la vie intellectuelle des hystériques et des normaux.

Fairy tale art by Carl Offterdinge.

Fairy tale art by Carl Offterdinge.

Naturellement, si nous demandons à quelqu’un pourquoi il a eu tel ou tel rêve, quelles sont les pensées secrètes qu’il a exprimées, il ne saurait pas nous répondre. Il nous dira qu’il a trop mangé la veille, qu’il était couché sur le dos, qu’il a vu ou entendu ceci ou cela le jour précédent, en somme tout ce qu’on peut lire dans des nombreux travaux scientifiques sur le rêve. Quant à l’idée du rêve, il ne la connait pas et ne peut pas la connaître, car, d’après Freud, cette idée est refoulée parce que trop désagréable. Donc, si quelqu’un nous assure sérieusement que dans ses propres rêves il n’a jamais rien trouvé des choses dont Freud parle, nous ne pouvons nous empêcher de sourire, car notre rêveur s’est efforcé de voir des choses qu’il est impossible de voir directement. Le rêve déguise le cornplexus refoulé pour empêcher qu’il soit reconnu. En changeant Faust en roi de Thulé, la situation devient inoffensive. Freud appelle ce mécanisme qui empêche l’idée refoulée de se montrer claire­ ment, la censure. La censure n’est autre chose que la résistance qui nous empêche de suivre un raisonnement pendant la journée également jusqu’au bout. La censure ne laisse passer une idée que lorsqu’elle est déguisée de manière que le rêveur ne puisse la reconnaître. Le rêveur à qui nous voulons faire connaitre l’idée de son rêve, nous opposera toujours la même résistance qu’il a lui-même envers son complexus refoulé. Nous pouvons maintenant nous poser une série de questions importantes. Avant tout, comment faire pour arriver de la façade à l’intérieur de la maison, c’est-à-dire du contenu manifeste du rêve à l’idée secrète et réelle ?

Retournons à notre exemple et supposons que Marguerite est une hystérique qui vient me consulter pour un rêve désagréable. Je suppose en outre que j’ignore tout d’elle. Dans ce cas je ne perdrais pas mon temps à le lui demander directement, car généralement ces chagrins intimes ne peuvent être livrés sans la plus intense résistance. Je tâcherais plutôt de faire ce que j’ai appelé l’expérience d’association (2) qui me révélerait toute son histoire d’amour (sa grossesse secrète…) La conclusion serait facile à tirer et je pourrais lui soumettre l’idée du rêve sans hésitation. Mais on peut agir plus prudemment.

Je lui demanderais par exemple : Qui n’est pas aussi fidèle que le roi de Thulé, ou qui devrait l’être ? Cette question éclaircirait bien vite la situation. Dans ces cas peu compliqués comme notre exemple, l’explication ou l’analyse d’un rêve se borne à quelques questions simples.

En voilà un exemple récent: Il s’agit d’un homme dont j’ignore tout, si ce n’est qu’il vit dans les colonies et se trouve actuellement en congé en Europe. Dans une de nos causeries, il me raconta un rêve qui lui avait fait une impression profonde. Deux ans auparavant il rêvait de se trouver dans un endroit désert et sauvage. Il voit sur un rocher un homme vêtu de noir couvrant sa face de ses deux mains. Tout à coup, il s’avance vers un précipice lorsque une femme également vêtue de noir, arrive et veut le retenir. Il se précipite dans le gouffre et entraîne la femme. Le rêveur se réveille avec un cri d’angoisse.

La question, quel est l’homme qui s’expose à une situation dangereuse et entraine une femme à sa ruine ? causa au rêveur une vive émotion, car cet homme, c’est le rêveur lui-même. Il y a deux ans, il a fait un voyage d’exploration à travers un pays désert et rocheux. Sa caravane était poursuivie nuit et jour par les habitants sauvages de cette contrée, qui lui livraient des attaques nocturnes dans lesquelles périrent plusieurs de ses membres. Il avait entrepris ce voyage extrêmement dangereux parce qu’à cette époque la vie n’avait plus de valeur pour lui. Le sentiment qu’il avait eu, en entreprenant cette aventure, était de tenter le sort. Et la cause de son désespoir ? Depuis plusieurs années déjà il vivait isolé dans une contrée au climat excessivement dangereux. Lors de son congé en Europe, il y a deux ans et demi, il fit la connaissance d’une jeune fille. Ils s’aimaient et la jeune fille désirait l’épouser. Cependant il savait qu’il lui fallait retourner dans le climat meurtrier des colonies où il ne voulait pas emmener une femme pour ne pas la condamner à une mort presque certaine. Il rompit donc ses fiançailles après de longues luttes morales qui le plongèrent dans un désespoir profond. C’est dans cet état d’âme qu’il commença son voyage périlleux. L’analyse du rêve n’est cependant pas terminée avec cette constatation, car la réalisation du désir n’est pas encore évidente dans ce rêve. Mais comme je cite le rêve uniquement pour démontrer la découverte du complexus essentiel, la suite de l’analyse est sans intérêt pour nous.

Dans notre cas, le rêveur est un homme courageux et franc. Un peu moins de franchise, ou un sentiment de gêne ou de méfiance envers moi, et le complexus ne m’aurait pas été avoué. Il y a même des gens qui auraient tranquillement juré que le rêve n’avait certainement pas de signification et ma question était absolument sans portée. Dans ces cas, la résistance est trop grande et le complexus ne peut être ramené des profondeurs, directement à la conscience ordinaire. D’habitude la résistance est telle que l’examen direct, s’il n’est pas fait avec beaucoup d’expérience, reste sans résultat. En créant la « méthode psychanalytique » Freud nous a donné un moyen précieux pour résoudre ou vaincre les résistances les plus tenaces.

Cette méthode est pratiquée de la façon suivante : on choisit une partie spécialement frappante du rêve et on questionne le sujet sur les associations d’idées qui s’y rapportent. On l’instruit de dire franchement tout ce qui lui vient à l’idée à propos de cette partie du rêve en éliminant autant que possible toute critique. La critique n’est autre chose que la censure, c’est-à-dire la résistance contre le [p. 165] complexus, qui tend à supprimer ce qui a le plus d’importance.

Night [1897] by Wilfred Gabriel de Glehn (1870-1951).

Night [1897] by Wilfred Gabriel de Glehn (1870-1951).

Il faut donc que le sujet, dise absolument tout ce qui lui passe par la tête sans appliquer du tout attention. Le commencement est toujours difficile surtout dans l’examen introspectif où l’attention ne peut pas être supprimée au point de paralyser l’effet frénateur de la censure. Car c’est envers soi-même qu’on a les plus fortes résistances. Le cas suivant démontre le cours d’une analyse à fortes résistances.

Un monsieur, dont j’ignore la vie intime, me raconte le rêve suivant : « Je me trouve dans une petite chambre assis à une table à côté du pape Pie X, qui a les traits beaucoup plus beaux et plus fins qu’en réalité, ce dont je m’étonne. Je vois à côté (de notre chambre) une grande salle avec une table somptueusement servie et une foule de dames en grande toilette. Soudain je sens le besoin d’uriner et je sors. En rentrant le besoin se répète, je ressors et ainsi plusieurs fois de suite. Finalement je me réveille avec le besoin d’uriner. »

Le sujet, homme très intelligent et instruit, s’expliquait naturellement le rêve comme causé par l’irritation de la vessie. (En effet les rêves de cette catégorie ont toujours un caractère semblable.)

Il contestait vivement l’existence de composantes de haute importance individuelle dans ce rêve. Il est vrai que la façade de ce rêve est peu transparente et je ne pouvais savoir ce qui se cachait derrière. Ma première déduction fut que le rêveur avait une forte résistance parce qu’il mettait tant d’énergie à prétendre que le rêve était sans signification.

Par conséquent je n’osais pas poser la question indiscrète : Pourquoi vous compares-voue au pape ? Je demandai seulement ses associations d’idées à « Pape ». L’analyse se développa comme suit :

Pape ? Der Papst lebt herrlich in der Welt, etc. (3).

[Le pape vit comme une majesté…]

(Notez que le monsieur a trente et un ans et n’est pas marié.)

Il est assis à côté du pape :

« De la rnêrne façon j’étais assis à côté d’un Scheich d’une secte musulmane dont j’étais l’hôte en Arabie. Le Scheich est une sorte de pape. »

(Le pape vit célibataire, le musulman est polygamiste. L’idée du rêve semble évidente : je suis célibataire comme le pape, mais j’aimerais avoir beaucoup de femmes comme le musulman. Je me tais sur ces conjectures.)

Chambre et salle avec table mise :

« Ce sont des appartements dans la maison de mon cousin où j’ai parttctpé à un grand dîner il y a quinze jours »

Les dames en grande toilette :

« A ce dîner il y avait aussi des dames les filles de mon cousin des jeunes filles en âge de se marier. » [p. 166]

(Ici il s’arrête, il n’a plus d’association d’idées. L’existence de ce phénomène que l’on appelle « barrage de la pensée » permet toujours de conclure que l’on est tombé sur une association à forte résistance.) Je demande :

Et ces jeunes filles ?

« Oh, rien, dernièrement l’une d’elles était à F… Elle a habité chez nous pendant quelque temps. Lorsqu’elle partit, je l’accompagnai à la gare avec ma sœur. »

(Nouvelle inhibition. Je I’aide en demandant :

Qu’est-il arrivé alors ?

« Oh ! je pensais justement (cette pensée a été évidemment refoulée par la censure) que j’avais dit à ma sœur quelque chose dont nous avons ri, mais j’ai complètement oublié ce que c’était. »

(Malgré ses efforts sérieux pour se rappeler, il lui est d’abord impossible de retrouver ce que c’était.) Il s’agit d’un cas très ordinaire d’oubli par l’inhibition. Et tout à coup il se rappelle :

« En route pour la gare nous avons rencontré un monsieur qui nous saluait et qu’il me semblait connaître. Plus tard je demandais à ma sœur : « Est-ce ce monsieur-là qui s’intéresse à la cousine ? » (Elle est fiancée maintenant avec ce monsieur, et il faut ajouter que les cousines sont très riches et que le rêveur s’y est intéressé, mais qu’il a été trop tard.)

Le diner dans la maison du cousin :

«  Prochainement je dois participer aux noces de deux de mes deux amis. »

Les traits du pape :

« Le nez était excessivement fin et un peu pointu. »

Qui a un nez pareil ? (En riant.) « Une jeune fille à qui je porte beaucoup d’intérêt en ce moment. »

Y avait-il autre chose de frappant dans la figure du pape ?

« Oui, la bouche. C’était une bouche très fine. (En riant.) Une autre jeune fille qui me plait également a cette bouche. »

Ce « matériel » est suffisant pour élucider une grande partie du rêve. Le « pape » est ce que Freud appelle une condensation. par excellence. En première ligne il est le symbole du rêveur (vie de célibat) ensuite une transformation du Scheich polygamiste. Puis c’est la personne assise à côté du rêveur lors d’un dîner, c’est-à-dire une ou plutôt deux dames. Savoir les deux dames qui intéressent le rêveur. Mais comment se fait-il que ce matériel s’associe au besoin d’uriner ? Pour résoudre cette question, je formulai ainsi la situation :

Vous prenez part à une noce et en présence d’une jeune fille vous sentez le besoin d’uriner ?

« Il est vrai que cela m’est arrivé une fois. C’était très désagréable. J’étais invité au mariage d’un parent, j’avais environ onze ans. A l’église j’étais assis à côté d’une jeune fille de mon âge. La cérémonie dura assez longtemps et je commençai à sentir le besoin d’uriner. Mais je me gênai, et restai jusqu’à ce qu’il fût trop tard. Je mouillai mon pantalon. » [p. 167]

C’est de cet événement que date l’association de noce et besoin d’uriner. Je ne poursuis pas cette analyse qui ne se termine pas ici, afin de ne pas devenir trop long. Ce qui a été dit jusque-là suffit pour montrer la technique, le procédé de l’analyse. Évidemment il est impossible de donner au lecteur une idée générale de ces nouveaux points de vue. Les lumières que la méthode psychanalytique nous apporte sont très grandes non seulement pour la compréhension du rêve mais pour celle de l’hystérie et des plus importantes maladies mentales.

La méthode psychanalytique qui est d’un emploi universel a produit déjà une littérature considérable en allemand. Je suis persuadé que l’étude de cette méthode est extrêmement importante non seulement pour les aliénistes et neurologistes, mais aussi pour les psychologues. Les œuvres suivantes sont de haute importance pour la psychologie normale :

S FREUD : Die Traumdeutung.
S. FREUD : Der Witz et seine Beziehungen zum Unbewussten.

Pour l’étude de l’hystérie :
BREUER ET FREUD : Studien über Hysterie. Ces trois œuvres ont paru chez Deutike à Vienne.,
S. FREUD : Bruchstucke eine hysterieanalyse. Ed. p. Karger, Berlin.

Pour les psychoses :
JUNG : Ueber die Psychologie der Dementia praecoœ, Ed. p. Marhold, Halle.

Les travaux de M. Maeder dans les Archives de Psychologie donnent aussi un excellent résumé des idées de Freud.

C. J. JUNG, 

Privat-Docent de psychiatrie.

 

NOTES

1) On pourrait object.er qu’une pareille supposition n’est pas permise, ou qu’il y a une grande différence entre une chanson et un rêve. Mais grâce aux recherches de Freud nous savons à présent que tous les pro­duits d’un état rêveur quelconque ont quelque chose de commun: d’abord c’est qu’ils sont tous des variations sur les complexus, et puis c’est qu’ils ne sont qu’une sorte d’expression symbolique du complexus. C’est pour cela que je crois avoir le droit de Caire cette supposition.

2) JUNG, Diagnostische Associationsstudien, Band I, Barth, Leipzig.

3) Une chanson d’étudiant très connue.

 

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