Extension du domaine de la psychanalyse. Par Edouard Pichon. 1927.

Edouard Pichon

Edouard Pichon

Edouard Pichon. Extension du domaine de la psychanalyse. Article parut dans la revue « L’Evolution psychiatrique », (Paris), time II, 1927, pp. 217-228.

Edouard Pichon (1890-1940), médecin, spécialité pédiatrie, et psychanalyste, l’un des 12 fondateurs de la Société psychanalytique de Paris. Il fut le gendre de Pierre Janet.

Quelques publications :
— (avec René Lafargue). De quelques obstacles à la diffusion des méthodes psychanalytiques en France. Extrait de la revue « Le Progrès médical », (Paris), partie 1, 1923, pp. 533-534. [en ligne sur notre site]

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé les fautes d’impression.
 – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 217]

DE L’EXTENSION LÉGITIME DU DOMAINE
DE LA PSYCHANALYSE
par
Edouard Pichon

Il y a quelques moi seulement, – au cours d’une réunion dc travail que tenaient quelques médecins, et dont j’avais l’honneur d’être, – j’entendis un jeune psychiatre déjà fort estimé émettre d’un ton cinglant cette dénégation absolue : « Il n’y a pas de clinique psychanalytique ». Or, précisément, c’est à cause de leurs fortes assise cliniques que bien des forteresses du freudisme sont inexpugnables. Peut-être sur ce point mes affirmations méritent-elle quelque crédit, car j’avoue ici qu’encore en 1921, j’avais vis-à-vis de la psychanalyse une attitude de défiance et d’ironie. Certes, ma génération avait connu et apprécié les remarquable et courageux article de M. Morichau-Beauchant, dès avant la guerre ; mais elle les avait à peu près oubliés. Et, vers 1921, le freudisme ne m’apparaissait que comme une théorie absconse et bizarre assez peu digne d’intérêt : comment voir autre chose dans une doctrine â la mode qui nous venait aux oreilles par de superficielles conversations de salons, et qu’au surplus les gens du monde et les tenanciers de bureaux d’esprit ne connaissaient eux-mêmes que par [p. 218] l’intermédiaire des quelques œuvres traduites en français.

On m’aurait alors bien étonné si l’on m’avait dit qu’en 1926 je figurerais dans la phalange des défenseurs et panégyristes de la psychanalyse. Or, comment cette évolution s’est-elle faite dans mon esprit ? Par la clinique. Grâce à M. Laforgue ct surtout à Mme Sokolnicka. Voir des malades évoluer sous l’empire de la méthode, subir même au besoin soi-même la psychanalyse pour en mieux connaître la technique et les effets psychologiques, tels sont les moyens par lesquels tout médecin consciencieux pourra comme moi se rendre compte, j’en suis sûr, de la vérité, et de la vertu clinique qu’il y a dans la méthode freudienne. Nombre de conceptions qui paraissent au premier abord arbitraires, voire inadmissibles, deviennent en quelque sorte nécessaires pour expliquer ce que l’on voit alors se dérouler devant soi.

Il me semble donc licite d’admettre avec MM. Claude, Hesnard, Heuyer, Codet, Borel, Laforgue, Allendy (pour ne citer que des Français), que la psychanalyse a désormais droit de cité en psychiatrie.

Jean-Jacques Sempé.

Jean-Jacques Sempé.

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Ce n’est pas dire que son domaine soit illimité. Comme toute discipline, elle a des bornes ; et il me semble même que la plupart des reproches, souvent si injustes, qu’on lui a adresses, tombaient à faux parce que supposant la psychanalyse beaucoup plus ambitieuse qu’elle ne l’est en réalité. On a reproché à la psychanalyse d’être immorale; On a craint qu’elle n’ébranlât les religions établie ; on lui a reproché de souiller, en y fouillant, les idéaux artistiques, Or, je prétends qu’elle n’entame ni le problème moral, ni le problème religieux, ni le problème [p. 219] esthétique. Si l’on voulait être plus grandiloquent, on pourrait dire que la psychanalyse ne prétend nullement résoudre le triple problème de la philosophie, celui du Bien, du Vrai et du Beau.

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Mais, avec les pures ressources de son esprit, en face du problème philosophique du Vrai, l’homme rencontre une seule certitude absolue, la certitude cartésienne : je suis. Une permanence : moi ; une variance : le temps. Tout le reste est hypothèse.

La science, au moins telle que le rationaliste XVIIIe siècle l’a conçue ct que le XIXe siècle l’a développé et nous l’a transmise, ne formule qu’une série d’hypothèses susceptibles d’expliquer le plus grand nombre possible de phénomènes ; encore ne peut-elle tenter de les expliquer qu’à l’intérieur du système déterministe que la structure même de la raison raisonnante lui impose. Les explications scientifiques ont de ce fait une valeur essentiellement pragmatique ; elles ont pour fonction d’aider l’homme à se débrouiller au milieu des choses, de l’aider à prévoir, dans une certaine mesure, et à prévenir, dans la mesure qui s’ensuit exactement, les événements futurs.

La vérité scientifique est une vérité essentiellement relative, et de nature foncièrement utilitaire.

Quant à la vérité philosophique, – qui est, si l’on peut ainsi parler, la vérité vraie, – elle ne peut aucunement se déduire raisonnements scientifiques. Ceux d’entre les hommes qui s’essaient à l’atteindre doivent, puisque la seule certitude absolue est je suis, recourir à la foi, c’est-à-dire aux affirmations d’origine purement affective : « Le cœur », disait Pascal, a ses raisons, que la raison ne connait pas. » Cette intuition d’un mode affectif [p. 220] d’exploration de l’inconnu est la composante fondamentale du sentiment religieux.

Or, la psychanalyse est uniquement une branche de la science. Comme telle, elle implique a priori un déterminisme absolu des faits psychologiques ; ct, des conclusions scientifiques auxquelles cette hypothèse déterministe l’amène, elle tire des inférences pratiques. Thérapeutiquement, elle est utile aux malades dans la plupart des cas ; et c’est là sa justification, sa justification suffisante. Mais, du fait même qu’elle se présente comme une discipline purement scientifique, la psychanalyse n’est exclusive d’aucune opinion religieuse.

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De ce que la psychanalyse, discipline scientifique, est forcée d’envisager tous les phénomènes, psychologique comme rigoureusement déterminés, li semblerait aussi que l’on pût arguer contra l’existence du libre-arbitre, partant contre la conception de la responsabilité morale. Pareil raisonnement serait pourtant un sophisme. Toute investigation scientifique sur les faits psychiques implique qu’on le considère comme déterminés ; sans quoi il faudrait renoncer à les prendre comme objet d’étude, puisqu’il serait à jamais acquis que toute conclusion à leur égard serait abusive. L’utilité pratique des conclusions que l’on tire de leur étude justifie l’emploi des méthodes déterministes à leur égard. Mais ce serait aller trop loin que de vouloir tirer de là aucune conclusion concernant l’essence même de la volonté et de la responsabilité. La raison nous force à concevoir tout effet comme nécessairement issu d’une cause déterminante ; mais tout aussi fort que cet axiome primordial est le sentiment de notre liberté. Comme le dit très justement M. Bergson. [p. 221] « la liberté est un fait, et, parmi les faits que l’on constate, il n’en est pas de plus clair (1) ». Mais ce fait appartient au psychisme lui-même, et non à la psychologie scientifique. La psychologie scientifique, en tant même qu’elle est une science, étudie l’acte volontaire comme n’importe quel autre [ait ; pour ce faire, elle le dépouille de sa durée vécue, et partant lui impose la nécessité. Mais il ne faut pas oublier que c’est là une attitude purement et uniquement scientifique, qui n’entame en rien le problème du libre-arbitre en tant qu’il a une signification proprement philosophique,

La morale se place à un tout autre point de vue. C’est au sentiment même de la liberté de l’acte qu’elle fait appel. Certes, elle est pratique, mais tout autrement que ne l’est la science (en l’espèce la psychanalyse). La psychanalyse prétend créer, par une démarche en quelque sorte cinétique, des conditions qui amèneront nécessairement chez l’individu la modification psychologique à obtenir ; la morale au contraire s’efforce de commander directement, par une force intérieure dynamique, les actes réputés bons. Nous montrerons plus loin quel appui indirect la psychanalyse peut parfois donner à la morale ; elles n’en restent pas moins indépendantes l’une de l’autre dans leur origine ; elles sont donc essentiellement non contradictoires.

A cette question de la distinction entre la psychologie scientifique et la discipline morale se rattache pour moi le problème de la responsabilité pénale. On a embrouillé cette question à plaisir, faute de vouloir admettre que la différence entre les points de vue initialement adoptés était la seule cause de la différence observée dans le paysage.

Pour le moraliste métaphysicien, pour le prêtre, le [p. 222] criminel est grevé d’une responsabilité morale, en tant qu’il s’est évadé de la recherche du Bion, ct, dans ce domaine incommensurable à l’intellect pur, la science n’a rien â dire.

Pour le médecin, en tant que la médecine est une science, le criminel est un être psychiquement anormal dont il faudra chercher à expliquer les mécanismes psychologiques ; et à ce point de vue la psychanalyse fournira les renseignements les plus utiles.

Pour le juge enfin, la seule question est de savoir si le criminel est ou non dangereux pour la collectivité sociale, à la défense de qui le pouvoir judiciaire est préposé. Que si la famille, que si le prêtre et les divers éducateurs par leur action morale, que si le médecin par sa thérapeutique psychanalytique ou par l’internement, n’ont pas su prévenir le crime, le devoir du juge sera évidemment de prendre tontes les mesures pour la répétition dudit crime soit absolument impossible ; la suppression du criminel s’imposera souvent. Et ceci d’autant plus que bien des anormaux qui ont perdu le sens proprement moral ont garde encore assez de sentiment vital, si j’ose ainsi parler, pour que la peur de la mort puisse les arrêter sur la pente du crime.

C’est donc par une double confusion que l’on a introduit dans le droit pénal la notion morale d’irresponsabilité.

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De même, les théories psychologiques générales que l’on pourrait, du point de vue psychanalytique, former sur l’art, – telles celles dont M. Borel nous laisse espérer la parution prochaine –, restent chose scientifique, donc [p. 223] ne touchant pas les problèmes purement esthétiques. C’est là un point sur lequel je n’ai pas le temps de m’étendre ici ; peut-être y reviendrai-je ultérieurement ; que le lecteur y réfléchisse, aujourd’hui, de façon parallèle à ce que j’ai indiqué concernant la religion et la morale.

Le professeur Freud a eu l’immense mérite d’attirer, plus qu’aucun autre, l’attention du monde savant sur l’importance de l’affectivité dans les manifestations humaine. Mais la psychanalyse, outil intellectuel, ne peut voir que l’aspect que l’affectivité présente à l’intellect qui la démonte et la dissèque. L’affectivité est, en psychanalyse, un objet d’étude comme la lumière est un objet d’étude pour l’optique ; et les émois affectifs eux-mêmes, en tant que donnés à notre moi (2), ne peuvent que lui échapper, comme ils échapperont toujours à toute investigation d’ordre intellectuel.

La psychanalyse ne connaît que la projection des affects. d’autrui sur le plan intellectuel ; et, quelque intéressante et utile que soit la connaissance de ces ombres chinoises sans épaisseur, il y aurait grave faute d’esprit à les confondre avec les objets doués de volume qui sont derrière l’écran.

La psychanalyse ne peut être considérée comme contradictoire avec aucune religion ni aucune morale. C’est là un point capital sur lequel il importe d’être très affirmatif, pour fermer la bouche à certains écrivains ou journalistes qui arguent de la religion catholique ou de la morale chrétienne pour jeter l’anathème sur les méthodes freudiennes. [p. 224]

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De ce que la religion et la morale sont indépendantes de la discipline scientifique appelée psychanalyse, faut-il en conclure qu’elles ne jouent aucun rôle au cours du traitement psychanalytique de tel ou tel malade pris en particulier ? Pareille conclusion serait inexacte et absurde.

Les sentiments moraux occupent chez tous les civilisés, les sentiments religieux chez beaucoup d’entre eux, un trop grand domaine d’affectivité pour que la psychanalyse puisse ou doive ne pas les toucher. Il est indispensable que devant son psychanalyste le malade se dénude psychiquement de façon complète et jusqu’au tréfonds. Rien donc qui, dans la psychanalyse, doive rester à l’abri du terrible bistouri thérapeutique. C’est seulement par une claire et complète acceptation de cette pénible nécessité que le malade peut espérer la résolution de ses symptômes et du trouble psychique qui les cause. La collaboration du malade est un élément indispensable à la psychanalyse ; dans lu lutte menée contre l’inconscient du malade, il faut que le malade lui-même mette toute sa force de volonté à aider le psychanalyste. On aime à opposer la psychanalyse à l’introspection. Pareille opposition n’est pas exacte ; il est vrai que la psychanalyse nous a révélé tout un monde de faits que l’introspection classique, faite d’interrogatoires et de conversations, ne pouvait absolument pas atteindre. Mais en définitive, le psychanalyste ne fait ses inférences que par le matériel introspectif (rêves, associations, libres propos) que lui fournit le malade. Et, pour scientifique que soit la méthode dans lesdites inférences, il faut cependant que, par le langage – mode de communication de psychisme à [p. 225] psychisme, – le psychanalyste demande à son patient de faire l’effort volontaire de l’aider ; en ce sens on pourrait dire que la psychanalyse comporte une base morale (3).

Supposons maintenant la psychanalyse mise en train par la collaboration du psychanalyste et de son malade. De quelle façon les problèmes moraux et religieux pourront-ils encombrer le champ des investigations ? Je voudrais l’indiquer brièvement.

C’est bien souvent dans le domaine de la religion et de la morale que la schizonoïa se manifeste avec le plus de netteté. Il faut, pour qu’un sentiment soit normal, qu’il soit directement dérivé des sources affectives naturelles et participe comme tel, à l’équilibre, à l’harmonie générale du psychisme. Or, chez le névrosé, la façade morale et religieuse consciente n’est souvent – ainsi que

Mme Sokolnicka m’a appris à savoir le voir – pas adéquate au psychisme profond. Les sentiments moraux et religieux conscients ou bien n’ont pas de racines réelles dans l’affectivité profonde, ou bien (ce qui est le cas le plus fréquent ct le moins grave) n’apparaissent au jour que très notablement altérés. Leur déformation résulte de ce que le malade les emploie comme compensation à son état névrotique ; il se cache derrière eux pour ne pas se voir tel qu’il est, et – pendant le cours de la psychanalyse – pour ne pas se montrer véritablement au psychanalyste. A l’affectivité se substitue l’affectation, plus ou moins entièrement inconsciente. Les sentiments religieux et moraux contribuent ainsi, au moins en tant qu’ils dépendent du processus névrotique, à l’habillage de la névrose. Il y a, pendant le traitement, tout un travail très difficile à faire, pour faire toucher [p. 226] du doigt au patient son manque de sincérité envers lui, même, et pour l’amener à mettre toute sa volonté au service de l’exploration psychanalytique, même eu des domaines aussi sacrés.

Le mode de déformation imprimé par la névrose aux sentiments religieux el moraux est d’ailleurs tout à fait, différent dans les différents cas particuliers. Il peut y avoir une simple différence quantitative entre le sentiment affecté et le sentiment affectif vrai, l’un ne différant de l’autre que par une certaine nuance d’ostentation ou de singularité.

Dans un autre ordre de cas, le malade affecte plus de sentiments moraux, plus de noblesse d’âme que son psychisme n’en peut en réalité supporter. Il y a certes là une compensation ; néanmoins comme a pu le dire M. de Saussure dans une conférence qu’il est venu faire à Paris l’hiver dernier, les méthodes qui ne visent qu’à exalter le sentiment du devoir « ne font que renforcer une compensation, mais elles n’enlèvent pas le mal. » Car il y a un mal : c’est que les sentiments affectés ne sont pas, en pratique, des sources d’actes au même titre que les sentiments vraiment vécus. Il arrive que le patient le plus fier de sa haute moralité commette des actes tout à fait inélégants, tout à fait vilains, et ceci avec une plus ou moins parfaite inconscience. Il y a donc un intérêt réel, tant individuel que social, à mettre au jour les processus par lesquels l’affectivité est restée arriérée. C’est seulement quand ces processus seront venus à la pleine lumière de la conscience que leur nocivité sournoise s’éteindra, car le conscient, connaissant désormais les possibilités du dynamisme psychique qu’il a à coordonner, pourra faire travailler toutes les forces dont il disposera â guider les actions dans la limite de ces possibilités. C’est en ce sens que M. Damourette a raison de dire, comme il le faisait [p. 227] déjà avant de connaître les travaux admirables de M. Freud, que c’est à tort qu’on voit dans la notion de conscience morale et celle de conscience intellectuelle deux acceptions différentes du vocable conscience. Ici encore le langage, à son ordinaire, nous donne, du fait de sa spontanéité et de la profondeur de ses sources psychiques, une belle leçon de pénétration.

Un autre type de malades se présente avec un niveau de religiosité plus bas que celui qu’il devrait avoir, M. Laforgue a particulièrement attiré notre attention sur ce type de malades, qui ne conçoivent Dieu que comme une sorte de puissance à leur service personnel, ou qui même ont jugulé tout à fait l’idée de la divinité comme représentant par excellence l’autorité, qu’ils scotomisent. Chez de pareils malades, l’effet apparent de l’analyse sera de faire réapparaître la religiosité telle qu’elle eût du se développer naturellement.

Les différents types dont je viens d’esquisser la description se combinent d’ailleurs à l’infini dans les cas cliniques concrets. Tel malade affecte une haute moralité alliée à un athéisme absolu ; tel antre montre le tableau contraire. Tel malade a été très dévot, au début de sa névrose, par compensation, puis s’est éloigné absolument de toute religion et a scotomisé Dieu le jour où l’exagération des complexes morbides a commencé à faire craquer le cadre de l’habillage social.

Quoi qu’il en soit, il n’est pas possible de prévoir a priori, au début d’une psychanalyse, quelle part de convictions, dans le domaine religieux et moral, voire dans le domaine esthétique, est solidement établie sur des bases affectives profonde. Il faut donc explorer tout le domaine, sans peur ; et à coup sûr, ce qui résistera à la méthode freudienne sera solide et susceptible d’une véritable efficience actuelle. [p. 228]

Pour compléter l’exposé des conceptions qu’on doit avoir sur l’extension légitime du domaine de la psychanalyse, il faudrait envisager aussi le point de vue de certains médecins qui sont enclins à reprocher aux psychanalystes d’essayer d’agir sur des maladies dont la véritable source est sinon anatomique, du moins physiologique, causées qu’elles sont par des dyspragies endocriniennes. Je ne veux pas discuter à fond pareil problème ; qu’on me permette cependant d’indiquer qu’à mon sens la voie thérapeutique psychogène et le traitement médicamenteux ne sont pas du tout contradictoires ; ignorant la nature profonde du lien qui unit le psychique et l’organique, et les voyant seulement liés, pour l’œil scientifique, par un certain nombre de relations, nous somme en droit d’utiliser simultanément deux méthodes thérapeutiques qui sont probablement susceptibles d’agir l’une et l’autre, quoique de manière différente, sur un objet qui nous échappe (4).

 

NOTES

(1) Bergson : Les données immédiates de la conscience, p. 169.

(2) On pourrait avec quelque hardiesse définir le psychisme de chaque homme comme étant ce que cet homme peut connaître à l’état nouménal, rien d’autre ne pouvant lui être connu que phénoménalement, au moins d’ici sa mort.

(3). Ne pourrait-o, pas dire que la morale, visant le Bien, procède du sentiment de l’effort, comme la métaphysique, cherchant le Vrai, a pour base le sentiment de l’être, de la substance ?

(4) Depuis la rédaction de cet article, j’ai eu l’occasion d’exposer mes idées sur ce point, à la première conférence des Psychanalystes de langue française, à Genève, le 1er août 1926. E. P.\

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