Charles-L.  Letourneau. Des rêves ancestraux. Extrait des « Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris », (Paris), Ve série, tome I, 1900, pp. 425-432.

Charles-L.  Letourneau. Des rêves ancestraux. Extrait des « Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris », (Paris), Ve série, tome I, 1900, pp. 425-432.

Article qui donnera lieu à une réponse : F. Schrader.Le souvenir inconscient et le rêve ancestral. Extrait de la « Revue de l’École d’Anthropologie de Paris », (Paris), douzième année, 1902, pp. 113-116. [en lige sur notre site]

Charles-Jean-Marie Letourneau (1831-1902). Anthropologue, secrétaire de la Société d’anthropologie de Paris, à la suite de Paul Broca.
quelques publication :
— Physiologie des passions. Paris, Germer Baillière, 1868. Dans la Bibliothèque de philosophie contemporaine.
— Physiologie des passions. Deuxième édition, revue et augmentée. Paris, Germer Baillière, 1878. Dans la Bibliothèque de philosophie contemporaine.
— L’évolution du mariage et de la famille. 1888.
La psychologie ethnique. 1901.

[p. 425]

DES RÊVES ANCESTRAUX,

Par M. Ch.-L. LETOURNEAU.

I. Avant d’aborder le sujet même de cette communication, j’ai besoin de rappeler, que, semblable en cela à tous les phénomènes de conscience, le rêve se rattache à la propriété fondamentale que possèdent les cellules nerveuses, celle de garder la trace des actes fonctionnels, dont elles sont le siégé, de s’en imprégner.

On sait, que, chez les animaux supérieurs et chez l’homme, cette imprégnation est tantôt consciente, tantôt inconsciente. Elle est inconsciente dans les cellules spécialement motrices, celles de la moelle épinière, par exemple ; d’où la synergie coordonnée des muscles coopérant à tel ou tel mouvement. Elle est consciente dans les cellules corticales du cerveau, où elle revêt des modes divers : d’abord celui de l’imprégnation sensitive, qui enregistre la trace des couleurs, des sons, des odeurs, des sensations tactiles ; puis le mode affectif, alors que l’imprégnation donne de la durée à nos impressions, à nos sentiments ; enfin, par son mode intellectuel, elle inscrit sur l’écran de la mémoire les idées, les raisonnements, et tout ce qui est du domaine de l’entendement. Chacune de ces catégories de la vie nerveuse a sa mémoire propre et toutes peuvent être mises en activité dans le curieux phénomène du rêve, si imparfaitement étudié encore.

II. Durant la veille, les empreintes, de toutes sortes, conservées dans les archives de notre mémoire, les impressions, les sensations, les idées anciennement perçues se revivifient, alimentent notre pensée, fournissent des matériaux psychiques à notre raison : c’est là le jeu régulier de notre activité mentale et il ne nous étonne plus. — Il n’en est plus tout à fait de même dans le rêve, quand la conscience normale cède la place à [p. 426] une autre conscience, anarchique celle-là et fonctionnant automatiquement, sans direction, mais toujours à l’aide d’empreintes mentales, préalablement enregistrées, des mêmes empreintes, mais n’ayant plus entre elles de lien logique ; sans doute parce qu’elles sont seulement des inscriptions fragmentaires, incohérentes.

Ces curieux phénomènes du rêve ont fortement préoccupé les hommes de toutes les races ; ils ont même été le fondement principal de la croyance universelle à l’existence d’une ombre, d’un double, qui, durant le sommeil, se détachait du corps pour courir les aventures du rêve ; qui, à la mort, se séparait définitivement de son enveloppe corporelle et menait une existence indépendante, mais sans cesser de s’intéresser aux choses de la terre. De là sont provenus les présages, les divinations, les apparitions, les évocations, etc.

III. Mais mon intention n’est pas de faire, même en raccourci, la très curieuse histoire du rêve. Je veux seulement attirer l’attention sur une certaine catégorie de rêves. Ordinairement, il n’y a aucune corrélation entre les rêves successifs d’un même individu et, alors, le rêve n’est plus qu’une revivification de souvenirs se rattachant plus ou moins nettement à notre vie de tous les jours. On a pourtant cité des cas de rêves formant une série liée, se continuant d’une nuit à l’autre, comme les chapitres d’un roman-feuilleton, et se rapprochant par conséquent de ces cas de double conscience diurne, sur lesquels le Dr Azam attira jadis l’attention des psychologues, mais dont aucune explication satisfaisante n’a encore été donnée. Ce dédoublement somnambulique de la conscience diffère évidemment du rêve banal, enté simplement sur un souvenir individuel.

Il est aussi une catégorie de rêves, qui ne se relient point directement à des sensations ou impressions antérieurement éprouvées pendant l’état de veille. J’entends parler des rêves n’ayant aucun rapport avec la vie de tous les jours, mais ne leur cédant en rien en apparente réalité, tout en étant d’habitude mieux coordonnés, à ce point qu’ils constituent parfois de véritables représentations scéniques. Habituellement plus rares que les rêves évidemment mnémoniques, ces rêves singuliers sont très fréquents chez certaines personnes et n’ont avec la vie réelle aucune relation appréciable. C’est de ce genre de rêves, que je proposerai tout à l’heure une explication nouvelle. Très ordinaires chez moi, ils me préoccupent depuis longtemps. Mais, avant d’arriver à mes conclusions, j’ai besoin d’emprunter à l’histoire de la folie et des hallucinations, certains traits, qui leur sont communs avec les rêves.

IV. Des hallucinations je rappellerai seulement, que, psychologiquement, elles sont identiques aux images du rêve ; elles constituent un délire des sensations, les rêves d’un homme éveillé ; elles se produisent alors que la revivification mnémonique est si forte qu’elle fait irruption même durant l’état de veille. Mais l’hallucination, quoique parfois compatible avec l’état dit de raison (Jeanne d’Arc), accompagne plus ordinairement l’état de folie, qui, lui aussi, a les plus grandes analogies avec le rêve. Tous les deux, la folie et le rêve, sont également des irruptions [p. 427] anarchiques d’empreintes mentales antérieures, qui viennent bouleverser l’équilibre normal de la conscience. Comme les rêves, les hallucinations reflètent souvent les images mentales, habituelles au sujet halluciné ; mais, fréquemment aussi, comme l’a remarqué Brierre de Boismont (1) elles sont des évocations de souvenirs beaucoup plus anciens, de sensations, d’impressions, n’existant plus dans le cerveau qu’à l’état de dépôt latent, auquel une excitation physique ou mentale donne la vivacité des sensations actuelles. Mais ce dépôt latent a encore un autre caractère : il est héréditairement transmissible. L’aliéniste, que je viens de citer, signale en effet cette hérédité des hallucinations, chez les monomanes hallucinés, et dit avoir vu lui-même deux cas d’hallucinations simples, ainsi transmises héréditairement (2). Mais, bien plus souvent, et le fait ne se peut malheureusement contester, les causes les plus ordinaires des hallucinations, les maladies mentales, se transmettent par hérédité, souvent même en revêtant un type morbide identique et en apparaissant au même âge.

Il est donc hors de doute qu’un certain arrangement moléculaire anormal, une empreinte spéciale, accidentelle mais profonde, peut passer d’un père ou d’un ancêtre au descendant, séjourner, à l’état latent et pendant nombre d’années, dans le cerveau de l’héritier ; puis, sous l’influence d’une cause appropriée, se revivifier inopinément. Mais une hérédité identique a été aussi constatée pour les rêves et, récemment, un physiologiste italien, Gianelli, en a observé plusieurs cas. C’est notamment la vision obsédante en rêve d’une grande figure noire, aux yeux étincelants. Un homme en avait été tourmenté après une grande peur et son fils en souffrit, comme lui, à l’âge de 16 ans, après une fièvre typhoïde, qui réveilla une empreinte héritée, mais jusqu’alors à l’état latent, etc., etc.

V. Nos cellules mentales renferment et gardent ainsi, à l’état de simples possibilités, nombre d’empreintes, qui peuvent rester muettes ou se revivifier tout à coup suivant les circonstances. Durant l’état de veille, le fait est fréquent pour nos souvenirs personnels ; durant le sommeil, les réminiscences prennent la forme du rêve. A. Maury a cité quelques exemples de ces curieuses réminiscences. Deux surtout sont intéressants. Le premier cas se rapporte à un individu, qui, sur le point de partir pour Montbrison ou plutôt pour une localité voisine, visitée par lui dans son enfance 25 années auparavant, est transporté, en rêve, au but de son voyage projeté et y rencontre un inconnu, se présentant à lui comme un ami de son père. Or, en réalité, la rencontre eut lieu, quelques jours plus tard et dans l’endroit rêvé (3). Le second rêve est analogue. Maury, déjà vieux, voit en rêve le village de Trilport près Meaux. Il y rencontre, toujours en rêve, un homme en uniforme, qui l’aborde et se nomme ; mais Maury ne connaît pas son nom. Réveillé, le rêveur apprend d’une vieille [p.428] domestique, que l’homme du rêve est un ancien garde du port, qui a connu son père, alors ingénieur et dirigeant à Trilport les travaux d’un pont. A. Maury n’hésite pas à voir dans ces deux rêves de simples réminiscences infantiles, mais sans le prouver. On peut donc se demander, s’il ne s’agit point plutôt des souvenirs héréditairement transmis.

VI. La banale explication, qui attribue tous les faits de ce genre à des réminiscences infantiles, ne saurait pourtant s’appliquer à un autre groupe de faits analogues. Il n’est pas rare, par exemple, que des personnes en voyage reconnaissent tout à coup, comme déjà vus, des lieux où certainement elles ne sont jamais allées ; mais qui leur sont néanmoins assez familiers pour qu’elles s’y dirigent, s’y retrouvent, comme chez elles. Un fait de ce genre m’a été rapporté en détail par une personne absolument digne de foi. Un grand aliéniste anglais, Maudsley, a cherché l’explication de ces faits étranges et s’est demandé, si l’on ne pouvait pas les attribuer à une dyschronie momentanée dans le fonctionnement des hémisphères cérébraux, qui alors percevraient les mêmes sensations à un intervalle excessivement court, mais suffisant pour donner l’impression du déjà vu. Ces faits, dit-il, s’observeraient ordinairement chez des sujets menacés d’épilepsie. Mais l’épilepsie, cause perturbatrice profonde, peut tout aussi bien, alors qu’elle est imminente, revivifier simplement des empreintes latentes et héritées.

VII. J’avais besoin de passer en revue tous les faits, que je viens d’énumérer, pour arriver à l’objet même de ma communication et rendre au moins plausible une idée, que personne, je crois, n’a encore émise, et que je résume comme suit : Certains événements, extérieurs ou psychiques, ayant profondément impressionné une personne, peuvent graver dans son cerveau une empreinte assez profonde pour qu’il en résulte une orientation moléculaire tellement stable qu’elle se transmet à tel ou tel de ses descendants au même titre que le caractère, les aptitudes, les maladies mentales, etc. Il s’agit alors non plus de réminiscences infantiles, mais de souvenirs ancestraux, capables de revivification. De là proviendraient non seulement la reconnaissance fortuite de lieux, qu’on n’a jamais vus, mais surtout toute une catégorie de rêves particuliers, admirablement coordonnés, où nous assistons, comme à un spectacle, à des aventures, qui ne sauraient être des souvenirs ; puisqu’elles n’ont pas la moindre relation avec notre vie individuelle.

En elle-même, cette hypothèse n’a certainement rien d’inadmissible ; mais, comme elle n’a pas été émise encore, il est difficile de lui donner pour base les faits d’observation précise qui en feraient une vérité constatée. On peut, cependant, s’appuyer sur de telles preuves, ne fût-ce que sur les rêves hérités, cités par M. Gianelli ; seulement ces rêves sont trop simples ; ils ont plutôt le caractère d’hallucinations que celui de rêves complets. Comme exemple de ces derniers, je ne connais que le rêve extrêmement curieux publié jadis par Abercrombie (4) et qui a été souvent [p. 429] cité dans les ouvrages traitant de pathologie mentale (5). Il s’agit d’un propriétaire écossais poursuivi en justice et sur le point d’être ruiné par une revendication des arrérages accumulés d’une dîme au profit d’une noble famille. La personne à qui s’adressait la réclamation était convaincue que la dîme en question avait été, il y avait bien longtemps, rachetée par son père ; mais elle n’en pouvait fournir la preuve. Or, dans un rêve, le père, mort depuis plusieurs années, apparut à son fils, et lui raconta toutes les circonstances du paiement fait par lui, en présence d’un sollicitor dont il lui dit le nom et qui avait conservé les titres relatant la transaction. Mais cet homme de loi, alors très âgé, avait complètement oublié l’affaire en question. L’intéressé parvint cependant à la lui rappeler, en lui citant des incidents relatifs au change d’une pièce d’or du Portugal et dont son rêve l’avait instruit. En conséquence, les titres nécessaires furent retrouvés, produits et le procès gagné.

Ce fait serait probant ; malheureusement il n’est pas rapporté avec toute la précision, tous les détails nécessaires. Mais il en doit exister d’analogues, et peut-être ce petit travail nous vaudra-t-il de les connaître. Je le publie surtout dans ce but, et je le termine en en résumant les points principaux, sous forme de conclusions.

Conclusions.

I. L’aptitude à conserver des empreintes durables et reviviscentes est une propriété fondamentale des cellules nerveuses.

II. Dans l’état de veille, notre conscience nerveuse coordonne les empreintes enregistrées, les confronte avec les impressions nouvellement perçues, puis raisonne au sujet et au moyen des unes et des autres. Mais, dans le rêve, la vie mentale est en état d’anarchie ; elle échappe à toute direction voulue et raisonnée. Alors, des empreintes, inscrites dans la conscience nerveuse, dans la trame moléculaire des cellules, sortent de leur état latent pour se combiner entre elles à l’aventure et sans ordre apparent.

III. Pourtant certains rêves sont cohérents, même se peuvent continuer d’une nuit à une autre et mettent ainsi le sujet, qui les éprouve, en état de double conscience. Sans aller jusque-là, il est beaucoup de rêves simples, qui sont aussi coordonnés, mais n’ont aucune relation apparente avec notre vie quotidienne à l’état de veille.

IV. Mais les hallucinations ont la plus grande analogie avec les rêves : ce sont les rêves d’un homme éveillé. Or, il en est, qui se transmettent héréditairement.

V. D’autre part, il est constant, que certains souvenirs très anciens, en apparence abolis, disparus de la conscience nerveuse, se peuvent, après nombre d’années, revivifier dans le rêve.

VI. Dans ce dernier cas, on peut se demander, si alors la résurrection du souvenir se rattache à la mémoire individuelle ou à des souvenirs [p. 430] hérités. A plus forte raison est-on en droit de ranger dans la catégorie des souvenirs hérités les cas si singuliers de reconnaissance de certains lieux, où l’on n’est jamais allé précédemment.

VII. Il est donc très admissible, que le souvenir détaillé de faits, d’événements, qui ont fortement impressionné une personne, laisse dans son cerveau une empreinte indélébile, héréditairement transmissible à ses descendants et pouvant, chez eux, se revivifier pendant le rêve, alors que l’éclipse temporaire du moi individuel dans la conscience laisse le champ libre à toutes les traces latentes d’origine ancestrale. Ce sous-sol psychique de la conscience mentale peut même recéler d’autres virtualités que celles du rêve. On pourrait relier à de semblables origines le changement, parfois si complet, du caractère, qui se produit souvent au moment de la mort, ainsi que le fait jusqu’ici inexpliqué des enfants prodiges, même certains délires ou certains genres de folie. En définitive, tous ces faits singuliers et inexpliqués rentreraient dans une proposition générale, que Maudsley a formulé ainsi : « Tout ce que les aïeux d’un homme ont senti, pensé et fait influe certainement, n’en eût-il rien su, sur ce qu’il sera disposé à sentir, à penser et à faire. Cet homme a hérité de circonvolutions prêtes à reprendre, à certaines époques de sa vie, le même genre d’activité, qu’elles ont rempli chez ses ancêtres. »

Discussion.

M. Manouvrier. Hervé, Rivière et Mme Myrial présentent des remarques à ce sujet.

M. VERNEAU signale un cas dans lequel ni l’hérédité ni l’atavisme ne peuvent être invoqués. Il s’agit d’un rêve qu’il a eu à diverses reprises dans son enfance et qui l’avait vivement impressionné. Ce rêve se rattachait à un événement bizarre remontant à l’année 1857. A cette époque M. Verneau, jouant avec d’autres enfants, s’avisa de sauter dans une sorte de fossé que des cultivateurs avaient ouvert au milieu d’un champ et dont le fond paraissait occupé par une couche de sable fin. Mais ce sable nageait sur une nappe d’eau qu’il dissimulait complètement et l’imprudent prit un bain froid tout à fait involontaire. Pendant des mois son sommeil fut troublé par un rêve, toujours le même : il se voyait dans le fossé, la terre s’entrouvrait et il était précipité dans un gouffre sans fond. — La genèse de ce rêve est très claire : il a été occasionné, comme le fait se produit très fréquemment, par un fait réel ayant vivement impressionné les cellules cérébrales.

Jusqu’ici, rien d’extraordinaire. Mais ce qui est plus particulier c’est que, longtemps après, M. Verneau ayant, au cours d’une conversation, parlé du rêve qui troublait son sommeil pendant son enfance, un de ses auditeurs lui déclara quelques semaines plus tard qu’il avait été hanté deux nuits de suite, par le même rêve. — Il y a là un cas de suggestion qu’il est peut-être intéressant de noter. [p. 431]

M. FÉLIX REGNAULT. — Chez l’homme le nouveau-né est très débile, ses neurones sont imparfaits, tous leurs cylindraxes ne sont pas encore développés. Il ne peut manifester que quelques instincts très simples : il suce par exemple le sein de sa mère, et crie par instinct. Quand les neurones prendront la forme adulte, ils seront impressionnés par le milieu : il est alors bien difficile de faire la part de l’imitation de la suggestion et de l’instinct.

Pour obtenir des notions précises il importe de recourir aux animaux.

Certains insectes, par exemple, ignorent leurs parents et possèdent un instinct très développé.

En effet, plus un animal naît avec une forme parfaite, plus il est capable de vaquer immédiatement à ses besoins multiples, plus son cerveau est formé, plus les actes instinctifs sont nombreux, plus ils sont parfaits et moins ils sont modifiables par l’éducation.

Nous observons chez les animaux divers instincts qu’il importe de distinguer :

a) Des perceptions instinctives : l’animal peut apprécier par instinct des aliments bons ou mauvais, éviter les poisons, etc.

b) Des sentiments et des passions, la colère, la curiosité, la timidité, la voracité, etc., etc. A ce titre on parle d’instinct sexuel.

c) Des actes instinctifs déterminés à l’avance et qui peuvent être très complexes.

Examinons-les. Ils peuvent être exécutés avec une grande précision malgré leur complexité. Ainsi la philante apivore sait piquer le ganglion nerveux de l’abeille de façon à l’engourdir sans la tuer, la met dans un trou préparé et y pond ses œufs.

Mais en d’autres cas l’instinct est mal affermi : il a besoin de l’éducation pour se fixer. Le poulet qui a brisé sa coquille, ne picore pas et ne court pas immédiatement. Il reste deux heures couché sur le ventre, pratique de timides essais de marche, rampe, tombe les six heures suivantes, enfin, court et becquète sans discernement.

De même, le caneton au début ne picore pas. Il semble désireux de sortir de l’eau et boit maladroitement en cognant sur la tasse. Quand ils sont couvés par une poule, ils exigent plus de temps pour nager. Les oies craignent aussi l’eau au début. Pourtant ces animaux arrivent à picorer et à nager sans qu’il soit besoin d’exemple. Ici donc l’instinct est inné : mais il n’est pas parfait et a besoin d’essais préalables pour s’affermir.

Par conséquent les instincts sont plus ou moins bien établis à la naissance. Dans certains cas l’acte instinctif se déroule d’emblée imperturbable, dans d’autres au début il hésite et tâtonne.

On peut admettre que l’acte instinctif est plus ou moins parfait, suivant que les neurones qui président à son accomplissement ont contracté dès la naissance un contact plus ou moins intime.

On donne généralement à l’instinct imparfait le nom de tendances : [p. 432] l’homme pourrait ainsi naître avec des tendances nombreuses (ou encore penchants) que l’éducation développe ou réprime.

Il est important de distinguer les tendances des aptitudes. L’être naît avec un besoin d’activité physique ou mentale : supposez un homme hyperactif et hypersensible, ces qualités le feront réagir différemment suivant le milieu où il vivra. Ce sont des aptitudes de pensées ou d’actes bien différentes de la tendance à une pensée ou à un acte bien défini.

Notes

(1) Hallucinations. 584.

(2) Brierre de Boismont. Loc. cit., 410-411.

(3) A. Maury. Sommeil et rêves, 117-118.

(4) Inquiries concerning the intellectual powers, etc. — London 1841.

(5) Notamment dans le livre de Brierre de Boismont, intitulé : Hallucinations, p. 235.

 

 

 

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